Jérusalem

Jérusalem, j’arrive !

Lundi, j’ai tout réglé : billet d’avion, questions sur mon bâton, formulaire d’entrée en Israël, test PCR (25€ si on peut attendre 10h, 50€ pour 6h d’attente et 100€ pour 3h d’attente), test PCR prépayé sur le sol israélien. Mardi midi, l’avion décolle !

Bien que je sois arrivée un peu avant l’heure, je me décompose quand l’hôtesse me demande le document de l’assurance et la déclaration d’entrée en Israël. D’un coup, me revient en tête que j’ai coché machinalement « Je possède une assurance Covid »… Et l’autre document, avec le stress, je n’ai pas idée de chercher la pièce jointe dans le mail. Je joins avec peine l’assurance qui m’envoie aussitôt le document par mail. Je retourne vers l’hôtesse avec les documents, qui fait tout vite car pressée de partir. Elle me dit que mon sac ne peut pas aller en cabine. Mon bâton à la main, j’essaye de passer une première barrière mais en vain car l’hôtesse ne m’a pas donné la carte d’embarquement. Je retourne, j’attends, plusieurs personnes passent devant moi et je passe en tout dernier. Munie de la carte d’embarquement, je scanne mon passeport et passe le guichet de police. Toujours avec mon bâton, je vais vers le contrôle des objets. Je bois d’une traite ma gourde et prend en photo mon bâton sentant la séparation imminente. Ô surprise, on me demande de mettre le bâton sur le tapis. Un employé me demande si c’est pour marcher, je réponds spontanément oui. À cause de certains de mes objets, encore du temps s’écoule. Mais ça y est! Je suis passée !! Avec mon bâton !!! Mais.. prenant peur d’être en retard, je me mets à courir. Erreur fatale ! Ce même monsieur m’interpelle et me dit que le bâton n’est pas autorisé en cabine ! Je lui tends et aussitôt je me remets à courir. Pour découvrir que tous les passagers attendaient tranquillement l’embarquement ! Si je n’avais pas couru…

Assez contrariée par mon erreur, j’apprécie sans plus le vol. Arrivée à l’aéroport de Tel-Aviv à 14h20, c’est à 17h que j’en ressors. Évidemment, il a fallu que je raconte avec le même champs lexical mon voyage le plus simple possible en avançant selon que les portes s’ouvrent. Quelle idée d’avoir parlé comme ça ? Bref, je suis priée d’attendre…un certain temps. Avant d’être appelée par mon prénom, de recommencer à raconter, de montrer et le montant de mon compte bancaire et la réservation du vol qu’ils me demandent d’opérer.

Ayez, j’ai mon visa pour le 17 mai. Maintenant, nouveau test PCR. Le flux de voyageurs s’engouffre dans un hall immense et chacun s’assoie sur l’une des 40 chaises quittée par le précédent voyageur. Drôle de prélèvement : frottement à l’intérieur de la joue et dans la narine très très peu profondément. Ce test me fait plus penser à un test génétique. Mon poignet orné d’un petit bracelet orange de festival, je quitte enfin l’aéroport.

J’approche du but ! 55km. Alors, comme je l’ai fait naturellement, je marche les premiers kilomètres dans un nouveau pays sans savoir quand l’autostop prendra le relais. D’abord l’ambiance aéroportuaire avec ses infrastructures routières et liées au transport (marchandises, voitures de location). J’ai mangé quelques clémentines sur le chemin. Comme à Chypre, les trottoirs sont souvent bordés d’arbustes à agrumes. Repérant un endroit calme dans la campagne qui prenait la suite, j’ai planté ma tente. Deux coureurs m’ont salué et dit que je pouvais manger les oranges derrière le talus, je n’ai pas réussi à y accéder.

Mardi 11 mai, je redémarre tranquillement. Le soleil est écrasant dans la matinée. Je manque d’eau. Je vois un bus dans un endroit qui me surprend. Alors j’approche dans l’espoir qu’il y ait un point d’eau. C’est ainsi que je rencontre Eyob et son collègue en charge de la sécurité et de l’accueil d’un parking privé. Eyob est arrivé d’Éthiopie il y a 22 ans. Il y a 5 ans, il avait de l’embonpoint, il mangeait beaucoup, il ne pensait pas (selon lui), il pouvait être un peu aigri. Ses enfants par leurs questions lui ont permis selon lui de s’interroger sur le sens de sa vie. Alors, il a travaillé dur à maigrir par le sport. Dieu a pris de plus en plus de place dans sa vie, et son aigreur l’a quitté. Il étudie en ce moment l’anatomie pour se diriger vers le mentoring en fitness. En tout cas, j’ai rencontré un homme rayonnant, généreux et humble car prêt à apprendre de tout. Galvanisée par cette rencontre, lui juif et moi chrétienne mais partageant la même foi à un Dieu qui nous donne tout à chaque instant, je suis prête à reprendre la route et à faire de l’autostop au moment opportun. Quelques kilomètres plus tard, je me positionne sur une aire de station service. Il fait chaud (toujours) et au bout de 15 minutes avec mon panneau « Jérusalem », je monte dans la voiture de Jacob…pour Jérusalem (géographique) ! Que je suis émue ! Sur place, j’ai laissé ma joie exploser. Le soutien sous toutes ses formes m’a permis d’arriver à Jérusalem. J’ai beaucoup de gratitude envers Dieu pour l’élan du coeur des personnes rencontrées. Je fus privilégiée d’être témoin et bénéficiaire de ces actes d’amour, d’audace, de confiance, de générosité qui honorent les personnes rencontrées, leur environnement, leurs ascendants et leurs descendants.

Première photo prise à New gate, une des portes permettant d’accéder au vieux Jérusalem.

Prenez soin de vous.

Traversée de la Turquie

En avançant vers la frontière, j’ai shunté le passage de la frontière côté grecque. Je suis arrivée sur la zone militaire où les soldats m’ont dit gentiment de repartir pour faire valider le passage. Au poste de frontière, qui n’ouvrait qu’au matin, il me faut trouver une voiture car pas de passage de la frontière à pied. Moustafa et deux membres de sa famille m’acceptent. Et avec eux, je vais plus loin et Moustafa me dépose sur l’autoroute. Je m’installe le pouce en avant quand une jeune femme m’invective d’aller ailleurs. Elle m’entraîne en me prenant le bras vers l’autoroute. Après un quart d’heure d’attente et la compréhension de la gestuelle que beaucoup de conducteurs tournent juste après, je marche 13 km à travers une campagne qui me semble très familière, et une chaleur plus tard pas du tout familière. Je réalise à quel point je vais souffrir de la chaleur. Avant d’attendre le village choisi et au point de jonction entre l’autoroute et mon chemin, je décide de tenter sur l’autoroute. Assez vite, une voiture s’arrête. Je n’arrive pas à voir la ville où il va et on a du mal à se comprendre. Une fois parti, je réalise qu’il allait à 400km dans ma direction. Je tente de manger mon panneau de stop mais me resaisit car si lui s’est arrêté, d’autres aussi. Une amie me répond que le prochain me permettra peut-être d’en faire 600km. S’arrête Ramazan qui peut le laisser à 50 km plus bas. Puis dans l’échange, il me dit qu’il va près du port d’où partent les bateaux pour Chrypre. C’est ainsi que je vais parcourir quasiment 1000 km avec lui. Je me suis sentie obligée de clarifier de nombreuses fois mes limites mais j’ai pu dormir en toute tranquillité la nuit sue la couchette supérieure de la cabine. Plus de 24 h avec un grand fumeur devenait difficile. Je me suis questionnée sur la qualité du voyage que je souhaitais, sur ce que j’étais prête à accepter juste pour avancer. C’est ainsi que j’ai décidé de descendre plus tôt, à une station essence. Les conducteurs allumaient leurs phares. C’était très limite. Mais j’avais foi. 4 minutes plus tard, une jeune femme fait marche arrière dans la station et m’emmène 160 km vers ma destination. Burcu est la première femme à me prendre en stop depuis la Bosnie! C’est ainsi que j’arrive à Tarses, la ville de Saint Paul. Traverser en camion à 70 km/h un grand pays comme la Turquie m’a permis d’apprécier les paysages, de réaliser le fort développement économique avec les usines, ainsi que les infrastructures routières. Comme les autres pays, les Turcs ont vu les prix augmenter significativement. La Turquie est un pays magnifique que je quitterai bientôt. Je suis encore dans l’incertitude sur la manière et la date.

Prenez soin de vous

Entrée en Turquie aujourd’hui

Une nouvelle étape devant moi. Les dix derniers kilomètres ressemblent un peu à la campagne française. Je suis arrivée à Kipi dernier village avant la frontière que je vais franchir d’ici deux heures.

Vue sur la Turquie côté Grecque, près de Kipi.

2ème et dernière partie en Italie

Merci à Elisa, Daniel et Cerasale, Franco, Amarido, Jean-Claude, Sandro, Sabina, Gio-Franco, père Sinuhe, Paolo, Tito, Vuokko, Ruben et sa famille pour m’avoir permis d’atteindre la frontière slovène.

Arrivée sur le lieu de la retraite, j’ai déposé mon téléphone, de quoi écrire. Finalement, cet aspect n’était pas si difficile. Le silence totale non plus.
Difficile à écrire quelques lignes sur cette retraite, peut-être plus tard. Assez pragmatique et rationnelle, cette technique de méditation Vipassana est basée sur les sensations corporelles, elle aurait 2500 ans et son accès gratuit tient à un de ses enseignants Goenka.
Ce n’est pas facile de méditer mais je comprends pourquoi certains de mes proches méditent une heure voire bien plus le matin avant de commencer la journée.
Le jour du départ, je me prépare à me mettre en route à pied car personne n’est venu vers moi suite au remplissage du tableau des covoiturages. Mais étonnamment pour moi, je ne suis pas pressée et stressée.
Presque au moment de mettre mon sac sur le dos, Elisa une autre participante me demande si j’ai trouvé une voiture. À la négative, elle me propose de m’emmener…et ainsi parcourir 230km ensemble ! C’est amusant, en voiture, nous avons gardé la même orientation et la même distance en centimètres que celle qui nous a séparée pendant 10 jours de méditation puisque nous étions voisines dans l’espace collectif où chacun a reçu une place attitrée.

Après avoir été déposée par Elisa, j’ai continué quelques kilomètres à pied. Avec le froid, il me faut dépasser mon appréhension de trouver un lieu pour dormir. Je remarque que plus j’avance vers l’Est, plus le soleil se lève et se couche tôt. C’est chez Daniel et Cerasale que je dormirai. J’ai vu de la lumière et ils m’ont ouvert leur porte spontanément. Ils ont quitté la Roumanie dans les années 2000. Daniel soudeur de profession peint magnifiquement et Cerasale infirmière auprès des enfants atteints du sida en Roumanie cuisine délicieusement et mets de la beauté dans son habitat.

Cerasale au centre, peinte par son mari.

Deux jours plus tard, en fin de matinée, à un très grand carrefour à Monfolcone, j’attends en même qu’un jeune homme en vélo. Puis quelques centaines de mètre après, je tends le pouce, et ceci après plus de 6 km de marche. Vuokko s’arrête et me partage en route sur l’histoire de Trieste qui est italien depuis quelques décennies seulement, et sur le secteur frontalier entre l’Italie et la Slovénie.
Je descends de voiture et me prépare à reprendre la route quand tout d’un coup je vois le même jeune homme passer à côté de moi. Passé cet effet de surprise, il s’arrête et nous entamons la conversation. Assez rapidement, il m’invite à déjeuner et me donne son adresse pour que je rejoigne. Je monte vers le nord de deux kilomètres, à Malchina, en passant par un chemin très joli bordé par des murs en pierres déposées.

Dans cette région, ces chemins sont très courants. Il y a également des caves naturelles.

C’est ainsi que j’arrive chez Ruben et sa famille. Après avoir cuisiné et mangé ses premières lasagnes, je suis invitée à rester jusqu’au lendemain matin. C’est ainsi que j’ai passé une belle après-midi de partages (Ruben et avons en commun le voyage, l’envie de vivre dans un lieu singulier), une soirée où nous étions plusieurs à venir d’horizons différents. Ruben, son papa et un ami ont joué de la musique. Le temps passé également avec Carrie la maman de Ruben, américaine installée en Italie, fut aussi très agréable.
J’aime à penser que l’abondance est toujours là, mais sommes-nous nous présent pour l’accueillir ?
Ce qui est chouette aussi est le fil conducteur du pain. La nuit précédente, j’ai dormi dans une immense salle paroissiale à Cervignano del Fruili. Le prêtre Don Sinuhe était très occupé mais a pris le temps de m’apporter le maximum de confort possible. Il a scanné mes papiers d’identité et était bien embêté que mon pass sanitaire n’était pas valide, un problème technique français. Une fois seule dans la plus grande chambre qu’il m’a été donné de dormir, vers 22h je découvre un congélateur de glacier rempli à ras bord de pains. Ma dernière nourriture, une délicieuse omelette de Cerasale, datait de 9h le matin. Mais voilà, à part le regarder, que pouvais-je faire d’autre ? Le lendemain matin, je suis partie le ventre vide et me suis arrêtée à la première boulangerie sur mon chemin. Je demande s’ils ont du pain qu’ils ne peuvent pas vendre et repars ainsi avec un gros sac de pains. J’en mange deux et le reste tombera parfaitement à pic chez Ruben et sa famille. C’est peut-être la 4ème fois que je rentre dans une boulangerie, je n’ai jamais eu de refus.

J’ai traversé l’Italie en auto-stop sans trop de difficultés. Souvent dans des voitures de petits gabarits, plus courant qu’en France. Les spots me semblent moins évidents qu’en France car moins de place pour se garer facilement. Et en même temps, tous les italiens se sont toujours arrêtés à ma hauteur et non plus loin.

Avec Carrie et Ruben, je suis arrivée en Slovénie. Je sens que je passe un nouveau cap, je vais rentrer dans les Balkans que je ne connais pas.

Prenez soin de vous et à bientôt !

De l’Ile-et-Vilaine à la Drôme (7 février au 11 février 2022)

Depuis la Bretagne, Sylvie, (une autre) Sylvie, Rose, Carole, Olivier et Sébastien, Olivier et Emmanuel, Laurent, Sarah, Rémy, Jean-Marie, Jean-Yves, Anne-Claire, Julie, Sylvie et Milou, Rudy, Jean-Léon, Benjamin, Marc, Christian, Raymond, Nadine, Philippe, Charlotte, Youssef, Chantal, Agathe Hermance et Jéhan, Audrey et Eymeric, Olivier, Patrick, Fabrice, Marie-Christine, Clément, Sylvain et Charlie, Luce, Christian, Charlie et Sylvain, Leslie et Marie, Nathalie, Pierre, Nicole, Jordan, Hugo et Anna, Victoire, Katy, Clément, (Victoire et) Jean-François, Jean-Michel et Laurence, Emmanuel, Thomas et Bixente… m’ont permis d’arriver jusqu’à Valence.

Avec un chouïa d’appréhension et une tonne de joie, j’ai remis une nouvelle fois mon sac sur le dos. Tous les évènements auxquels j’étais conviée et ainsi que les nombreux chantiers sont maintenant derrière moi.
J’ai beaucoup avancé en autostop depuis l’Ile-et-Vilaine. J’aime beaucoup rencontrer les personnes. Je sais par l’expérience du chemin de St Jacques que la marche est très solitaire même si les rencontres peuvent être nombreuses. Trop solitaire pour moi en ce moment semble-t-il. Et pourtant, marcher dans les pas des autres avec le même cap en visée, le corps pétri par le mouvement répétitif et l’effort constant, offre à celui qui choisit d’avancer ainsi, un voyage intérieur très puissant.

Le mariage de mes amis était beau. Ils ont ouvert le bal par une danse préparée avec leurs deux ados, succès total.
Une diversité de personnes. J’étais dans ma tenue de voyageuse (féminisée un brin), qui n’a dérangé qui moi. Il aurait été possible de m’organiser autrement, mais j’ai choisis la simplicité et la facilité. Ce fut vraiment bon, mais presque dérangeant (je pousse évidemment le bouchon!). Me voyait-on ? À la mesure des nombreux échanges et sourires, la réponse est affirmative. Je me suis sentie considérée pour ma personne et non pour mon personnage qui lui me permet de faciliter les rencontres en route.

Chaque rencontre est riche. Depuis que je suis partie, j’ai peine à écrire car pour chacune d’elle, je pourrais faire un paragraphe. Cela me semble injuste de faire des choix dans l’écriture comme si j’ordonnais la richesse des rencontres et la générosité des personnes rencontrées. Il me faut bien accepter la subjectivité nécessaire à une longueur acceptable.

Le regard bienveillant
Rémy est un opportuniste de la vie, ce qui l’a amené sans calculs à vivre grand nombre d’expériences enrichissantes. Il est un mari amoureux, joyeusement reconnaissant de partager sa vie avec sa femme. Il m’a parlé de ses deux enfants, de leurs réactions quand ils étaient enfants, avec un mélange d’étonnement, de fierté et d’humilité.
En écoutant Jean-Yves, et en lisant un peu entre les lignes, je comprends qu’il a dirigé une entreprise. C’est aujourd’hui son fils qui est aux commandes. Nous avons été émus tous les deux du regard bienveillant et admiratif que nous avons eu l’un pour l’autre. Il m’a parlé que chaque personne dans une entreprise n’est pas interchangeable et est importante quelque soit son poste. Il a « partagé un bout de chemin avec (ses) compagnons de route ». J’ai senti le mélange de joie, de fierté et d’accueil à ce que son fils continue avec les mêmes valeurs que lui.

Cette semaine, j’ai rencontré des personnes s’occupant de gite et de chambres d’hôtes.
Mercredi soir, quelques dizaines de kilomètres avant Clermont-Ferrand, je descends de la voiture d’Olivier. La nuit ne va pas tarder à tomber. Sur son conseil de faire attention à l’altitude croissante et donc au froid qui va avec, je choisis de me rapprocher d’un lieu dit. C’est un gîte et des chambres d’hôtes. Je fais le tour des bâtiments mais je ne vois personne. Je décide d’installer mon matelas dans un bâtiment ouvert près des voitures et d’un tas de bois, prête à pratiquer à nouveau le « squat bonifiant ». Une demi-heure plus tard, c’est la compagne du propriétaire des lieux qui arrive. Je fonce sur elle, elle est très à l’aise. Un plus tard encore, Patrick arrive et au courant de ma demande à m’installer dans ce bâtiment ouvert, il me propose un gîte. Avec coeur et spontanéité, il remet le chauffe-eau en route, me propose un chauffage et m’encourage à utiliser le lit qui est fait. J’étais très gênée d’autant d’accueil. J’ai proposé une aide qu’il a déclinée. Il m’a dit avec une simplicité qui a touchée mon coeur « cela me fait plaisir de vous accueillir ».
Jeudi, je rencontrais Leslie et Marie, mère et fille. Marie et son mari ont vendu récemment le village vacances et projettent d’acheter un autre espace comme un gîte ou un camping. Elles m’ont proposé de remplir ma gourde vide et si j’avais besoin d’autre chose.
Le lendemain, c’est Jean-Michel et Laurence qui s’arrêtent sur la route assez froide entre le Puy-en-Velay et Valence. Ils gèrent le gîte des mots. Juste avant de descendre, Jean-Michel m’a offert un recueil de poèmes qu’il vient d’éditer.
Dans le métier que l’on fait, il peut y avoir cette qualité qui ne s’occupe pas de l’argent. En l’occurrence, l’accueil de celui qui voyage.
Cette même semaine, j’ai vécu la même chose concernant les métiers de bouche. Je suis entrée dans une boucherie de village. Je sentais que la commerçante prenait le temps avec sa cliente. Une fois la cliente partie, j’ai présenté en quelques mots mon voyage et lui ai demandé si elle a des produits qu’elle ne peut plus vendre. Avec une simplicité et une spontanéité totales, elle me prépare des petites choses qu’elle aurait mangé et me rajoute deux pommes de son jardin et un bout de son pain.
Le lendemain, je m’arrête à proximité d’une boulangerie car je pouvais m’asseoir et manger les précieuses denrées. N’ayant plus d’eau, je demande à la boulangère Éliane si elle veut bien remplir ma gourde. Le sac de pains dans un coin est à vendre. Tant pis. On discute quelques mots sur ma destination tout en servant ses clients. Et tout en fourrant une baguette fraîche et deux pains au raisins…sans lui avoir demandé des invendus ou lui avoir partagé sur ma manière de me nourrir.

Sur la route vers Clermont-Ferrand, Fabrice m’a partagé sur le chantier de sa maison, avec un grand soin à utiliser des matériaux naturels. Il m’a aussi partagé une grande passion qu’est l’abeille et la ruche. Son père est passionné aussi et fabrique lui-même des ruches. Une des plus courantes est la ruche Dadant, pratique pour l’apiculteur mais moins pour l’abeille. L’abeille construit naturellement en descendant. Dans le cadre d’un projet annexe de son travail (il est gendarme), il a contribué à l’installation d’une ruche Warré sur un versant de Clermont-Ferrand après le premier confinement. Il est encore trop pour faire conclusions mais cela semble plutôt positif. Ce type de ruche est beaucoup plus respectueux de l’abeille. Son formateur partageait que l’installation de ruches par des entreprises est une mode, mais la durabilité n’est pas visée et souvent pour des budgets importants. C’est pourquoi, ce dernier a quitté Paris et a souhaité travailler autrement sa passion.

J’étais bien partie pour arriver à Valence après 4 jours de traversée de la France depuis les alentours de Rennes. Mais c’était sans compter sur ma légendaire étourderie. En effet, sur la route entre le Puy-en-Velay et Valence, assez froide quand même, j’oublie dans la voiture de Katy mon téléphone. Un léger espoir qu’il soit tombé avant de monter. Vain car rapidement, grâce à Clément, il n’est pas à l’endroit où j’étais. La nuit commence à tomber. Étant à proximité de la maison de Victoire qui m’a offert l’hospitalité, je choisis d’y aller. L’échange avec Victoire avait été assez court et chouette mais l’envie d’avancer était plus fort. L’oubli de mon téléphone m’a permis de passer une délicieuse soirée. Leur métier d’enseignant dans le secondaire et en filière pro me rappelait plaisamment une certaine époque. J’ai kiffé leur maison que Jean-François a construit. Nous avons partagé aussi sur le chemin de Saint Jacques.
En prenant le temps, c’est ainsi que j’ai dormi chez Jean-Léon deux jours plus tôt. Nous avons discuté une partie de la soirée sur les élections présidentielles, c’était très agréable pour moi car pas de parti pris exprimé, juste du partage d’analyses.

Ma première nuit de reprise fut sous un abri ouvert. Heureusement que je suis bien équipée, on pouvait voir le givre sur les voitures au matin. Les nuits suivantes furent chez l’habitant. Il m’est plus facile de repérer un coin extérieur pour dormir que de toquer à une porte. Mais je me demande si ce n’est l’acceptation du recevoir qui serait en jeu. Ce qui serait une explication parmi d’autres sur l’apparent non choix de vivre dans la rue. Accepter que la vie ne sait que subvenir à nos besoins par tout un tas de ressorts : l’abondance de la nature, nos ressources qui peuvent apporter à quelqu’un, l’inclinaison humaine à aider, à se surpasser,…

J’avais très envie d’avancer mais cette semaine m’a permis de goûter la richesse de prendre le temps. Le premier pas contre-productif permet souvent une productivité par voie de conséquence, en plus des fruits.

Prenez soin de vous et à bientôt !

Les Vosges derrière et Jérusalem presque devant

J’ai repris l’itinérance depuis mercredi laissant les Vosges derrière moi. Les au-revoir furent doux et nombreux. J’ai mis du temps à apprécier les paysages de montagne. Ce sont les rencontres, les amitiés qui m’ont donné l’impression d’être installée, posée pendant ces 7 derniers mois…malgré mes 12kg d’affaires personnelles.

J’ai quitté Estelle, Christophe et leurs deux enfants Simon et Raphaël avec tellement de gratitude pour l’amitié construite depuis fin juin et leur bienveillance. Je suis passée chez eux par intermittence et suis restée depuis le 23 novembre. Instruction En Famille, groupe CNV et par eux différentes opportunités d’ouverture ont été nourrissants pour moi.

Le chantier de rénovation de la pièce de vie, toujours à Fraize, a bien avancé depuis le 23 novembre et se poursuivra encore.

La reprise de l’itinérance est enclenchée par le mariage de mes amis qui a lieu demain. C’est un « petit » crochet par la Bretagne pour un moment précieux de festivité célébrant l’engagement et l’amour de Yohann et Sylvie devant Dieu, familles dont leurs deux grands ado, et amis.

Pour arriver, j’avais tablé sur 2 jours. Mais hier soir, je n’étais qu’à Toul… grâce à Lisianne et Louise, Alexandra, Roger et Veronica, Catherine (rencontrée alors qu’elle avait rdv pour une vente sur le bon coin), et Manu. 21h, je suis sur une aire d’autoroute. Je commençais à stresser du reste à traverser et du temps imparti. Mais la providence s’en est mêlé : Un chauffeur routier Driss m’a acceptée malgré l’absence de retour de son entreprise (seulement avec une décharge, il lui était possible d’accepter une personne dans sa cabine). Ainsi, on a roulé toute la nuit jusqu’à proximité de Rennes et je suis arrivée chez mes amis à 7h30!… Soit une journée d’avance !

Lundi, départ vers le sud de la France… Avec la hâte d’avancer vers Jérusalem, ma fébrilité de vivre le quotidien de l’itinérance et le désir de rencontrer toutes mes personnes sur mon chemin.

9 éléments inattendus dans mon voyage

2021 est derrière et nous venons de rentrer dans cette nouvelle année 2022… qui rime avec heureux. Nous vivons une décennie particulière où la liberté intérieure est importante à cultiver. Dans nos pays européens, tout est disponible et tout n’est pas profitable.
C’est l’occasion de faire le point sur les quelques mois passés et de lister ce qui jusqu’à maintenant m’a surprise dans mon voyage.

Dormir dans un bateau pour ma première nuit

Le soir de la première journée, l’invitation de Yannick de passer la soirée avec lui et ses amis du port me gonflait de joie et d’espoir pour la suite. Je longeais le port de Carentan tout en réfléchissant à l’endroit où je pourrais poser mon duvet. Et dormir dans le bateau de Yannick, quand Cherbourg – Israël passe surtout par la terre a été une cadeau de la vie qui me donnait à penser que le voyage serait riche en surprises.

Travailler

En partant, j’imaginais marcher, faire du stop, échanger une contribution en temps/participation contre le gîte et le couvert… mais pas de travailler au sens le plus commun du terme. Grâce à la rencontre avec Gervais sur les crêtes du massif vosgien, j’ai eu l’opportunité de participer aux vendanges près de Barr chez François Biener. Fin août, avec Cindy, nous avons marché pour rejoindre le chantier participatif en passant par l’Allemagne et la Suisse, un détour volontaire. Le temps était plutôt frais et sur les crêtes, c’était même très froid à plus de 1000 mètres d’altitude. A la recherche d’un endroit chaud pour se réchauffer, nous avons croisé Gervais qui ramassé les myrtilles (la tarte à la myrtille sauvage est une spécialité de la région). Gervais nous a offert spontanément de nous réchauffer dans sa voiture garée sur le parking un peu plus loin et non clanchée. On a pris le temps de discuter après sa cueillette.
C’est ainsi que quelques semaines plus tard, me voilà au matin pour cueillir le raisin chez le vigneron. Il est un jeune repreneur d’une entreprise familiale assez grande produisant : des bottes de chanvre, des légumineuses, des céréales et de la vigne en bio. Une succession d’évènements (rendez-vous médicaux, météo mauvaise, équipe complète, distance pour rejoindre le lieu car j’ai participé à un déménagement au moment du mauvais temps) ne m’ont pas permis d’aller au delà d’une journée de travail. Mais j’ai apprécié cette journée au cours de laquelle, j’ai vu la bonne humeur dans les deux équipes. Une grande proportion de retraités se retrouvent chaque année. Nous avons travaillé avec des seaux. Dès que le seau était plein, le cueilleur criait « Eimer voll ». Ce signal permettait le chassé-croisé du seau vide à la place du seau plein qui rejoignait l’allée centrale. Les seaux étaient vidés dans des cagettes qui étaient récupérées plus tard par un tracteur. Dans les rangs, les alsaciens passaient de l’alsacien au français et inversement de nombreuses fois au cours de leurs échanges. François avait proposé un petit jeu le midi : la personne qui se rapprochait de la bonne réponse a gagné une bouteille de vin. Le matin, il y avait une collation et le midi le repas préparé pour tous. Ce fut une année difficile, les raisins n’avaient pas assez mûri mais risquaient de pourrir s’ils n’étaient pas ramassés. Il y a eu beaucoup de tri à faire.
Bien que je n’ai travaillé qu’une seule journée qui fut déclarée, j’ai ainsi pu recevoir le salaire correspondant.

Rester si longtemps en France

Grâce à des chantiers participatifs, à des stages kertere, à la destruction de mon passeport qui a impliqué plus d’un mois avant la réception (j’ai eu la chance d’être à proximité d’une mairie qui prend sans rendez-vous, sinon c’était 3 semaines jusqu’à un mois et de demi d’attente supplémentaire), une semaine de gardiennage d’animaux, quelques jours d’aide au déménagement, les rendez-vous médicaux… ont contribué à vivre 6 mois en France. J’ai rencontré beaucoup de personnes, dans des contextes variés. J’ai l’impression d’avoir habité ce coin de France. Je n’ose calculer la durée de mon voyage si je traverse chaque pays de la même manière jusqu’à Jérusalem…

Trouver un sac à dos correspondant à mes besoins

En marchant en Suisse avec Cindy, nous parlions de sac à dos car je venais de perdre mon matelas mal accroché au sac. Elle constatait la casse de ses et de lanières. J’imaginais qu’un sac à dos plutôt parallèpipédique, où rien de ne dépasse, tout est accessible facilement, d’environ 50l, avec des bretelles et ceinture rembouréee serait mieux. Qu’est-ce qu’on voit sur un trottoir près de travaux de voiries ? 2 sacs à dos l’un dans l’autre, extrêmement propres. Cindy a pu récupérer les lanières qui convenaient parfaitement à son sac. Le grand sac avait toutes les caractéristiques désirées. Il a même les deux mêmes couleurs, rouge et noir comme mon ancien. Ce n’est qu’un sac mais cette trouvaille opportune me donne à penser que je ne manquerai de rien au cours de mon voyage.

Prendre des rendez-vous médicaux

Avant de partir, j’avais fait au mieux pour être à jour. J’ai eu l’opportunité d’un rendez-vous chez l’ophtalmo qui a conduit à un autre chez un spécialiste. Des douleurs dentaires à deux moments m’ont obligée à consulter deux dentistes. Je suis allée à un rendez-vous de microkiné. En Alsace, ce sont deux bons ophtalmo, une bonne microkiné et un bon dentiste que j’y ai trouvés. Cette fois-ci, je suis à jour prête à continuer à traverser l’Europe.

Prendre le train

C’était un jour où je descendais vers le sud pour rejoindre le 2ème stage kerterre. Un monsieur s’arrête à ma hauteur dans l’autre sens de la route. Walid me parle rapidement de son père récemment décédé et de son envie de m’aider qu’il met en lien telle une bonne action. Alors je me laisse porter par sa proposition de me déposer à la gare de Villefranche-sur Saône et j’accueille avec gratitude son billet de train pour Chambéry.

Recevoir autant de la part des personnes rencontrées sur ma route

Je ressens tellement de gratitude envers toutes les personnes rencontrées.
J’ai reçu des échanges passionnants, de l’accueil, de l’attention, de l’hospitalité, de la nourriture, du temps, des objets matériels et même de l’argent
Cela a été jusqu’à maintenant parfois très difficile de recevoir plus que je ne donnais. La peur de « mal » donner me paralyser même. Je me suis demandée si on recevait parce qu’on méritait grâce à notre passé ou parce qu’on donnerait dans le futur. Aujourd’hui, j’ai tranché que la joie de donner dans le présent prévaut sur le passé et le futur car si c’est juste dans le présent, quelque soit la narration que l’on crée, cela sera juste et dans le passé et dans le futur. Bien que je sois convaincue que le don a différentes formes et se réalise sur une échelle de temps et d’espace beaucoup plus grande que notre mental la pense ; il m’est difficile de recevoir. Je désire ne pas coûter à l’autre, à la planète et aussi parce que j’ai de la joie à être là au bon endroit, au bon moment, à donner sans effort. Comme si mon existence prend tout son sens à ces moments-là.. Je veux pas mendier dans ce voyage mais réinterroger mon rapport à l’argent, à l’autre. J’aime à penser que chaque personne a une existence et des ressources que nulle autre a, même si le cimetière est rempli de gens indispensables.
Dans ce voyage que je présente tel que je l’ai fait sur cet espace numérique, j’accueille presque tout ce qu’on me donne indépendamment de mes goûts, de mes projections, de mes idéaux. En effet, j’aime penser que je ne sais rien de demain et que la personne que je rencontre a une inspiration qui fera sens à un moment donné. C’est comme ça que j’ai accepté de différentes personnes au delà d’objets matériels et de la nourriture de l’argent. C’est plus facile de ne pas avoir d’argent, je n’ai pas à me demander le niveau de légitimité de l’usage que je peux en faire. Cela m’a permis de payer les rendez-vous médicaux, le test antigénique, quelques affaires nécessaires. L’argent est un pouvoir et une énergie : il permet d’acquérir des biens au delà des limites du troc, il permet de soutenir nos valeurs et le monde dans lequel on veut vivre, et d’autres aspects.
Ces dons divers m’encouragent sur ma route à donner avec plus de joie et de créativité… ici et maintenant, sans idée de mérite ou d’anticipation.

Etre embarquée par les gendarmes

Proche de Sens, j’ai oublié mon bâton dans une voiture. Il était déjà tard, la nuit commençait à tomber. J’ai beaucoup marché pour revenir sur le lieu de dépose. Evidemment, j’ai beaucoup marché avant de m’apercevoir que je n’avais plus mon bâton. Je n’avais pas le choix que de longer la nationale en m’approchant au maximum du fossé. Je devais tenir encore un kilomètre. A chaque fois que je voyais des phares, je traversais de l’autre côté, quand je pouvais. Tout d’un coup, gyrophare, voiture de gendarmerie qui s’arrête. Ils me font un peu la leçon sur la dangerosité de ma présence sur cette route. Je plussoie bien sûr. Il était 22 heures peut-être. Les trois gendarmes de Pont-Sur-Yonne me demandent où je vais et où je dors. « Vers l’Est » et « Je ne sais pas encore » étaient les seules réponses que je pouvais formuler. Je mesure l’importance d’être propre sur soi pour être crédible dans l’échange. Je monte à l’arrière et c’est parti pour quitter cette nationale. Après un échange entre eux, ils me déposent dans un petit jardin public dans lequel je n’aurais pas dormi évitant autant que possible les lieux exposés. Ils étaient contents de me laisser à proximité du point de départ du lendemain. J’ai cherché confirmation sur la tranquillité du lieu et me suis endormie bien paisiblement. Le lendemain matin, j’ai aperçu une silhouette qui pêchait dans l’étang tout à côté.

Attraper le covid

Quelques jours avant Noël, j’ai constaté un état grippal comme j’en ai une voire deux fois par an. Certaines personnes de la maisonnée ont passé le test du covid qui s’est avéré positif. (Finalement, on était tous positif, les 5 adultes et les 2 enfants.) C’est ainsi que j’ai décidé de passer mon premier test du covid puisque je prévoyais de rejoindre ma famille à Noël. Bien que je n’ai pas voulu admettre ce résultat, il m’a bien fallu faire avec… et sans passer Noël avec ma famille.
Au bout de trois jours, j’étais guérie sans avoir eu de courbatures ou de fièvre significative grâce à la transpiration, à l’ail, au gingembre, au citron, au poivre, à l’artémisia et aux clémentines. Du coup, je prends maintenant du zinc et de la vitamine D.
Un élément auquel je ne m’attendais a été un fort passage à vide : envie de rien, le cerveau à l’arrêt ou en besoin de divertissement (ce qui revient au même). Est-ce si surprenant quand d’une part les études ont montré l’intérêt de la vitamine C, de la vitamine D et du zinc et d’autre part que l’on perd la saveur des aliments ?

Je reste sur le chantier jusqu’à début février sur le même chantier.

Prenez soin de vous
A bientôt

L’été 2021 a été très chaux

Dans ce voyage, l’habitat a une place importante dans mon voyage que je désire autant initiatique, que formateur et contributeur.

Plusieurs mois avant mon départ en juin, je me suis inscrite à 2 stages de construction de kerterre : B1 pour monter les murs (kerterre à Fraize) et l’isolant et B2 (kerterre à Briançon) pour poser les différents enduits.

De fil en aiguille, j’ai participé au B3 en Bretagne et également à la construction d’une plus grosse kerterre (à Val d’Ajol). En tout 7 semaines passées les mains (gantées) dans la chaux.

Les photos présentées en dessous correspondent à des kerterres pour lesquelles j’ai participé à la construction.

Le coût
C’est le coût qui m’a séduite surtout, tout en ayant un intérêt écologique et accessible à l’autoconstruction.
La chaux, le chanvre et le sable sont les 3 matériaux principaux constituant la kerterre. Un round baller de chanvre (fibres jusqu’à parfois 2 mètres de long) permet la construction d’une kerterre telle que celle qu’on voit en vidéo plus bas. On utilise la chènevotte pour l’isolant, ce sont des fibres de chanvres hachées en bout de 2 cm. Concernant la chaux, on utilise pour les murs de la chaux hydraulique et pour l’intérieur de la chaux aérienne en plus (plus perspirante). Les chaux hydrauliques sont plus ou moins teintées (telle que celle de Boehm). Pour la couleur du rendu final, la couleur de sable et celle de la chaux hydraulique jouera un peu. On peut le voir sur les différentes photos et vidéo. En bretagne, le sable utilisé est blanc. Dans les Vosges, ce fut du sable rose et dans les Hautes-Alpes, du sable marron foncé.
Le poste important de cette construction réside dans les huisseries (skydôme, porte (particulière éventuellement pour le charme de cette maison) et les fenêtres selon qu’elles sont neuves ou pas.
La chaux est perspirante, pas comme le ciment qui bloque l’humidité. La chaux et le chanvre en carbonatant permet aux murs de devenir de la pierre sans empêcher l’eau d’être évacuée de l’intérieur vers l’extérieur. L’espace de vie devient toujours plus sain en vieillissant.

La rondeur
Cet habitat par sa forme arrondie permet une répartition équilibrée des charges. Comme il y a une proportion entre hauteur et largeur puisque la kerterre est à peu près une demi-sphère, les kerterres sont souvent petites. Mais il est tout à faire possible d’accoler plusieurs bulles (comme sur la vidéo) ou d’imaginer une énorme avec une nacelle (je n’en ai jamais entendu parler, mais tout est possible).

Kerterre au Val d’Ajol (88). Les gouttières ne sont pas terminées, le pré-enduit n’a pas pu être posé sur toute la kerterre et il reste à poser l’enduit final.

Concernant le sol, il est possible de poser du chanvre à même le sol car c’est une plante imputrescible comme la fougère. C’est la philosophie minimaliste de kerterre, au plus proche de la terre sans laisser de côté le confort. Je peux vous assurer qu’on s’y sent bien. D’ailleurs, voici un petit article remettant en perspective la notion de confort thermique bien au delà des degrés indiqués par le thermomètre.

Photo prise d’une kerterre finie dans sa construction et aménagée pour la location (29).

La créativité
A part l’incrustation des huisseries, il est tout à fait possible d’incruster d’autres objets en verre, de créer des espaces à l’intérieur, des gouttières formant de belles vagues…

Intérieur d’une kerterre que nous avons « aménagé » et « décoré » (29)

La dimension humaine
Bien qu’il est possible de faire seul une kerterre, il est une aventure de construire à plusieurs.
Toutes ces semaines de chantier ont été vécues à plusieurs que ce soit sous le format de stage ou de chantier participatif (20 personnes environ). Dans ce deuxième cas, la contribution au chantier est échangé contre le gîte et le couvert.
De faire ensemble nourrit la capacité à vivre ensemble : à s’harmoniser (par exemple, aller l’un vers l’autre pour que les enduits se rejoignent harmonieusement), à être conscient de sa disponibilité (parfois il est préférable de se retirer pour mieux revenir plus tard car on a à la fois notre capital d’énergie propre et notre rythme propre).
J’ai pu constater l’importance de communiquer, de la nécessité de poser des bases claires. Mais parfois ce n’est pas le cas, c’est ainsi. Comment à chaque moment on peut faire avec ce qui est et s’ajuster au mieux. La plupart des semaines autour de la kerterre se sont déroulés en présence du même formateur Teddy dont je retiens ces deux éléments : poser un cadre éventuellement évolutif et auquel se référer et, voir le caractère organique de toute situation. On pourrait dire cadre et faire avec les évènements perturbateurs (=la vie) pour avancer au mieux.

Kerterre à Fraize (88)

La technique et le matériel
Notre outil est notre corps
Nous n’avons pas utilisé de bétonnière, malaxeur ou autre machine. Seulement à la force des bras pour mélanger. Le silence brisé par la communication entre nous est vraiment appréciable. Nous avons utilisé des truelles, des gâches (auges à gâcher, gamattes), des taloches, des étais. La chaux mélangée à l’eau nécessite des gants, le contact n’est pas totalement direct. On peut utiliser un moule permettant de poser les mèches de chanvre chaulées dessus et ainsi gagner du temps.
C’est intéressant de prendre conscience de l’intelligence de notre corps à apprendre, geste après geste, à manipuler la matière, de plus en plus précisément. A part pour les huisseries, nous n’avons jamais utilisé de niveaux ou de mètre à mesurer. Travailler en courbe était très satisfaisant pour moi.

Kerterre au Val d’Ajol (88). Le moule est un dôme géodésique démontable.

Habitat vernaculaire et habitat réversible
Je kiffe les habitats vernaculaires qui nous apprennent beaucoup sur l’histoire, la culture, les savoirs-faire, les matériaux disponibles. Tous ces éléments forment la singularité de l’habitat ancien d’un territoire. Dans le grand ouest et notamment dans le Cotentin, un grand nombre de bâtiments ont été construit en bauge. C’est une technique de construction de mur porteur à base d’un mélange élastique de terre argileuse et de fibres. Ah, l’argile ! Super matériau : en construction et qui soigne (voir le site de Jade Allègre qui l’a beaucoup étudié) ! Revenons à la construction, un partenariat franco-anglais travaille en ce moment sur le projet Cobbauge visant à améliorer et standardiser cette technique pour ainsi la rendre plus attractive au sein de la filière de la construction.
Sur la réversibilité de l’habitat, je vous encourage à jeter un oeil au MOOC sur les Habitats réversibles de Hameaux Légers. Il est très étoffé sur le sujet. Par ailleurs, Hameaux Légers souhaite promouvoir la propriété d’un habitat réversible qui permet à la terre de retrouver son état naturel sur un terrain en location (par un bail emphytéotique par exemple) et ainsi limiter la montée importante des prix dans l’immobilier. Est-ce normal de s’endetter sur tant d’années pour accéder à la propriété d’un habitat ? Le foncier est une valeur sûre… mais à quel prix pour les générations à venir ?

Bien que pas très portée sur le rap, je trouve Pang assez imaginatif et pertinent sur le sujet.

Aujourd’hui, bien que sur la route, je réfléchis à ma future maison : un habitat d’une part inspiré du territoire vernaculaire et d’autre part réversible.
Un habitat construit avec des savoirs-faire éprouvés par le temps n’empêche pas, et même au contraire, d’y adjoindre des techniques plus modernes, avec des process innovants ou des éléments empruntés à d’autres territoires. J’aime cet équilibre des 80/20 : une base à 80% et d’autres éléments à 20%. C’est à la fois une dynamique positive, équilibrée, réaliste et emprunte d’humilité.

La neige en montagne et Noël en Bretagne

Ce matin, j’ai découvert le paysage enneigé à travers la fenêtre. Après 5 semaines chez Gaël et Marie, je suis revenue à Fraize pour quelques semaines.

Dans le massif vosgien, environ 600 mètres d’altitude

Après une lutte intérieure entre mon voyage et passer Noël avec ma famille, je viens d’officialiser la deuxième option. Ma sœur a loué un gîte et nous accueille pour quelques jours autour de Noël. C’est un grand projet pour elle qu’elle travaille avec ses référentes depuis des mois. Elle s’en réjouit depuis de début et nous aussi !
D’une part, toutes les rencontres approchant de près ou de loin la famille ont nourri chez moi son importance. Que ce soit la famille d’où on vient et celle que l’on construit. Notre vie terrestre est bien courte et les divisions familiales peuvent être très cruelles.
Alors, faisons de notre mieux pour entretenir la joie de se revoir, approfondir une meilleure connaissance mutuelle, renforcer la confiance…Quelques soient nos choix, nos évolutions, nourrissons sans mesure ni démesure nos relations avec de la joie ! Sans compter que mes parents prennent de l’age invitant à considérer le temps qui passe.
D’autre part, j’ai tellement la conviction d’être toujours en route vers Jérusalem que je peux m’autoriser a cette attente et a ce moment familial. J’ai tellement de joie à rencontrer les personnes sur mon chemin, à progresser à pied, en voiture que j’assume les retrouvailles provoquées avec ma famille. J’avais préparé mes affaires sans imaginer repasser par le lieu de départ (mes parents se laisseront porter et ils auront bien raison). Mais à bien des égards, ce voyage est loin de celui que j’ai imagine et il ne fait que commencer…

Chez Christophe et Estelle, je les retrouve avec joie, ainsi que leurs enfants Simon et Raphaël, mon vaillant binôme de chantier Yoann et Camille. Je l’ai rencontrée sur mon chemin ici en juin quand je suis arrivée pour le premier stage de kerterre, Camille et moi avions projeté un temps éclair de colocation plus tôt il y a plusieurs mois. Ah se revoir, la joie de se revoir, nourrir le lien…
Jusqu’à Noël, je reste à Fraize. Je vais écrire (enfin! ou pas) sur ces mois de voyage. Je reverrai des personnes que j’ai eu la chance de rencontrer ces derniers mois. Mon passeport est arrivé la semaine dernière après un mois et une semaine. Je vais également refaire mon permis. Ce qui est fait n’est plus à faire et accessoirement conduire la voiture de mes parents en toute legalite.
Différents chantiers sont en cours : cabane pour les ânes, kerterre, rénovation d’une pièce (enduits, sol, plafond,..),…

Que du plaisir : être utile, apprendre et m’autoriser à me reposer au chaud et dans un contexte bienveillant.

Prenez soin de vous.

Vers Jérusalem, quand reprends-tu la route ?

C’est une question que j’ai pu entendre de proches ces derniers temps. Il est vrai que ma trajectoire est un peu biscornue et un certain stationnement dans le grand Est se dessine plutôt clairement.

Pour resituer, c’est lors du mois août 2020 que l’idée d’aller à Jérusalem a germé… sûrement influencée par la chanson autant spirituelle qu’entraînante Jerusalema.
Au-delà de cette frontière géographique que j’espère traverser avec la grâce de Dieu, c’est le passage, le voyage initiatique jusqu’à ma Jérusalem céleste que je désire plus encore, en devenant une meilleure personne autant pour moi que pour les autres, en aimant plus et en agissant de manière juste. La route n’est qu’un prétexte. Le chemin est le sens de ma destination. Un magnifique lieu d’humains ou naturel n’aurait jamais eu autant d’attrait pour moi que cette route vers Jérusalem, lieu tellement emblématique du chemin du coeur de l’homme.

Depuis le 2 juin, hormis une petite semaine en Finistère, une autre en Hautes-Alpes pour la kerterre, et une dizaine de jours en itinérance en Allemagne et en Suisse, j’ai vadrouillé dans le grand Est. Tout s’est enchaîné… jusqu’à aujourd’hui où je viens de terminer une première semaine de chantier chez Gaël et Marie à Sainte Croix aux Mines dans les Vosges, à 500 mètres d’altitude. Ils ont 3 enfants : Paule, Meïlan et Solange et attendent leur 4ème enfant pour le jour de Noël. Je les ai découvert via le réseau de chantiers en écoconstruction Twiza. Ils rénovent une ancienne longère-bergerie avec des matériaux les plus biosourcés possibles : canalisations en terre cuite ou en cuivre, ardoises, pierre, bois, terre cuite et terre crûe, laine,… Forcément, ça me plaît beaucoup ! Gaël, charpentier de métier, travaille sur leur chantier à plein temps et accueille les twizers qui viennent contribuer et apprendre. Il y a beaucoup de travaux différents : un auvent avec ardoises à poser, des enduits à l’argile (pour le moment, c’est la phase de test), des réparations sur des cadres en bois de fenêtres, de la maçonnerie…
C’est la première démarche volontaire, concernant un lieu, que je fais depuis le 2ème stage kerterre qui a eu lieu du 19 au 22 juillet. En effet, tout s’est enchaîné, je n’ai fait qu’accueillir les opportunités sur ma route.

Depuis le 22 juillet, j’ai pratiqué durant 5 semaines non consécutives la construction de kerterre, j’ai gardé des animaux de compagnie, j’ai franchi avec Cindy au cours d’une marche de dix jours les frontières allemande et suisse où j’ai trouvé sur le trottoir un sac à dos parfaitement adapté à mon voyage, j’ai perdu un ensemble d’affaires importantes par manque de communication de ma part et par manque d’attention de la part de celui a qui confondu mes affaires avec un sac poubelle, j’ai perdu mon bâton et mon matelas, je suis allée aux vendanges où les jeunes retraités passaient d’une phrase à l’autre entre le français et l’alsacien, j’ai aidé au déménagement/emménagement, j’ai eu deux rendez-vous ophtalmo qui m’ont confirmé un début de cataracte, un rendez-vous dentaire pour abcès dentaire, j’ai conduit sans mon vieux papier rose que je remplacerai plus tard par un plastique à validité temporaire et enfin, j’ai déposé cette semaine tous les documents nécessaires pour renouveler mon passeport. Un peu en bref.

Depuis que je suis partie, j’ai beaucoup reçu, sous des formes différentes. J’espère honorer ces dons, les faire circuler. J’ai donné comme j’ai pu et c’est encore tellement loin de ce que j’aimerais donner. Je me suis interrogée si je recevais par mérite, si je donnais par anticipation, alors que d’autres hypothèses sont possibles. J’essaye d’être dans le présent, qui contient à la fois le passé et le futur. J’expérimente la responsabilité du don. Si c’est donné, je ne peux rien attendre en retour. Et si l’on me donne, je ne suis pas responsable de ce don. Aussi, grâce à toutes les rencontres faites jusqu’à ce jour, je suis perdue de savoir qui donne, qui reçoit. On peut constater les mouvements de temps/matières/argent, mais plus difficilement ce qu’on ne voit pas, et tant mieux !

Contrairement à cette première phase du voyage où je me suis déplacée vers l’Est chaque jour ou presque, depuis le 24 juin je n’ai pratiquement pas été seule, toujours à deux, trois ou en groupe. J’ai toujours mon sac à dos près de ma couche chaque nuit.
Au cours de l’été et jusqu’à maintenant, j’ai pu revoir à plusieurs reprises des personnes rencontrées dans cette région, surtout dans les Vosges mais aussi en Haute-Saône, dans le bas-Rhin et le Haut-Rhin. Je me sens très accueillie, tout est facile ou presque. J’apprends à aimer les paysages de forêts avec un relief doux. Les couleurs d’automne commencent à arriver. Dans ce voyage, j’ai à cœur de rencontrer mais aussi de revoir ceux qui sont sur mon chemin, comme j’ai pu le faire avec ma famille éloignée en début de parcours. J’aimerais dire de nourrir les relations existantes, mais ce serait trop prétentieux et probablement faux.

Autant par ses habitants que par le type de chantier, ce lieu me donne envie de me poser, de goûter la vie ici et de me mettre à jour sur les plans numérique, matériel et administratif. Santé, j’aimerais bien aussi, j’ai une carie sous le bridge, c’est la difficulté de ne me projeter trop loin car je garde à l’esprit mon objectif. Pas de piste de dentiste pour le moment.
Depuis mon arrivée chez Gaël et Marie, je me lève avec 9°. C’est déjà un peu frisquet, mais c’est l’occasion (ce n’est pas la première) d’expérimenter des températures basses et les moyens de rester en santé.
Demain, nous poursuivrons sûrement la fondation pour un mur porteur à l’intérieur de la maison.

Plusieurs articles seront postés prochainement, à priori sous un autre format que celui de la ligne du temps qui n’est plus pertinent pour rendre compte du vécu de ces derniers mois, peut-être par thème (la kerterre, l’auto-stop, le matériel, la faim, la famille, la providence, l’apprentissage,…).

Pour conclure, je suis toujours sur la route vers Jérusalem où que je sois, sur la route, en chantier, seule ou avec d’autres. J’apprends, je contribue, je vis, j’avance extérieurement ou intérieurement ou… pas, et j’apprends que tout va bien.

Prenez soin de vous et à bientôt !