Différentes couleurs
Jérusalem
Ce n’est que partie remise…
Je projetais écrire une fois par semaine. Voulant mieux écrire mes posts, je n’en ai pas publié depuis début juillet. Le mieux n’est-il pas l’ennemi du bien ?
Je projetais rattraper mon retard (quel retard ? Le passé est déjà loin) mais j’ai eu la chance de marcher quelques jours avec Cindy avec qui j’ai partagé quelques semaines de colocation l’an dernier. Nous avons marché d’un chantier à un autre en passant par l’Allemagne et la Suisse (on n’était pas obligées mais c’était l’occasion de traverser les frontières).
Et me voilà de retour dans les Vosges pour les chantiers kerterre qui se termineront fin septembre. Je sais déjà que j’y repasserai plus tard, le temps dédié aux chantiers ont permis de nourrir de belles relations.
Après ce gros chapitre en éco-construction, j’essayerais d’écrire un peu ou beaucoup, j’améliorerai ma gestion des outils numériques, je bouclerai mon sac à dos (quelques changements involontaires et providentiels) et je reprendrai la route vers Jérusalem que je désire toujours parcourir. À pied et en auto-stop, j’aime tellement les deux. J’ai hâte de poursuivre même si l’avancée dans la saison n’incline pas à la facilité et au confort. Au vu de ces trois mois et demi, je suis confiante du chemin qui m’attend.
Vu la régularité de mes publications, j’ai donné sur la page d’accueil la possibilité d’être informé à chaque publication en s’inscrivant.
Prenez soin de vous et à bientôt !
Le chapitre kerterre n’est pas fini…
C’est une aventure humaine au-delà de l’habitat et son apprentissage dans la construction qui se poursuit au delà des deux stages programmés avant mon départ.
En Bretagne pour 5 jours, je rentre dans les Vosges ce week-end.
J’ai un problème sur WordPress sur smartphone : je n’arrive pas à revenir à la ligne dans changer de paragraphe. (Si vous avez une idée, je suis preneuse!)
Au cours de la première de septembre (peut-être avant mais difficile à anticiper) j’essaierai de vous partager ces dernières semaines. Elles sont riches en opportunités d’apprentissage, d’humilité, d’expérimentation, de retrouvailles… et jouent sur presque toute la palette des émotions.
Prenez soin de vous et à bientôt !
Vers Jérusalem – Semaine 5 (du 2 juillet au 12 juillet)
3 mois de retard dans l’écriture… voici cette première semaine de juillet dont l’écriture fut restée coincée dans mon téléphone jusqu’à aujourd’hui.
Après le stage B1 de kerterre (autant, il y a 3 mois, je n’avais crû bon de préciser, là, l’été est passé, l’automne est entamé…), j’ai choisi de rester encore quelques jours. Je m’y sentais tellement bien !
Ce temps fut riche d’échanges sur tellement de notions
Pendant le stage Kerterre, via le réseau Workaway, Mar est arrivée d’Espagne pour un mois et demi et quelques jours plus tard Barbora de République Tchèque pour trois semaines.
A trois, nous avons continué à construire la kerterre. C’était une belle expérience pour moi de transmettre tout ce que j’ai appris pour qu’elles aient du plaisir et soient autonomes.
Tout est couleurs
Avec Mar et Barbora, nous avons improvisé un test des couleurs avec ce qu’on avait sous la main, ou plutôt dans nos valises. Un bain de couleurs qui fait varier les traits du visage et met en lumière la proximité ou la distance que l’on peut avec les autres. Les filles m’ont surprise par leur rapide adaptation et leur appropriation de l’exercice.
Voici une photo prise la veille. Mar et Barbora faisaient la vaisselle. Le genre de visuel qui allume la lumière dans un coin de ma tête (hé oui, il en faut peu pour être heureux…parfois)
Avec ou sans oeufs ?
J’ai continué mon exploration des plantes comestibles. Voici la recette d’un très bon houmous à l’achillée mille-feuille (tous les ingrédients sont à mixer ensemble) :
- 340g pois chiches cuits (=170g secs)
- 6 cs huile olive
- 6 cs jus de citron
- 45 g de (jeunes) feuilles d’achillée mille-feuille
Et pour utiliser le jus de cuisson des pois chiches, autrement nommé aquafaba, une recette de meringues (dont les proportions n’ont pas été suivis à la lettre) dont les vegans peuvent profiter. Merci Barbora pour l’avoir fait ensemble !
L’œuf sur le plat… facile?
J’ai goutté le jaune crû sur du blanc cuit… Rien à voir avec l’oeuf sur le plat que l’on jette sur la poêle en terme de goût. Le jaune est goûtu. La littérature sur le sujet va dans le sens d’une cuisson plus saine, blanc bien cuit et jaune le moins cuit possible. Différent aussi au niveau du temps à préparer ! En effet, la cuisson des deux est différée, d’abord le blanc, puis le jaune. Entre les deux, je pose une cuillère ou la coquille (ce n’est pas encore le top) pour donner une forme au blanc d’œuf afin que le jaune ne glisse pas quand on le dépose.
C’est la vie !
Grâce à Barbora, j’ai découvert C’est la vie de Karel Gott qui évoque le passage à l’âge adulte vers sa prise de responsabilités. C’était un grand chanteur en République Tchèque.
Le stage B2 approchait, il me fallait partir. Cela devait être lundi mais la nuit précédente fut trop mauvaise et ne présageait rien de bon pour la journée en déplacement. La fatigue ne me réussit pas : après un moral miné ou pas, d’un coup je me sens au bout de ma vie. Alors, sans conséquences, hormis de rester avec plaisir une journée de plus, je pris la route mardi matin.
Etape 1 : 2 juin – 23 juin 2021
22 jours de voyage, 921km dont 306km à pied et 615km en voiture (dont 260km en auto-stop et 355km avec des personnes qui m’ont proposé de m’emmener)
Beaucoup de générosités en simplicité, en attentions, en réciprocité, en victuailles fraîches, en bienveillance, en monnaie sonnante et trébuchante, en discussions sur le chemin,…
Lors de cette première étape, ce fut la traversée de plusieurs bois et forêts (Boulogne, Vincennes, Brotonne,…), plusieurs parcs naturels (des Marais du Cotentin, des boucles de la Seine,…), des cultures de céréales, des herbes hautes. J’ai marché sur du bitume, des cailloux, de la terre, de l’herbe. J’ai marché sous le soleil, sous la pluie et sous l’orage.
Tous les mois de préparation m’ont permis d’avoir une maison sur le dos assez opérationnelle. Il est bon d’avoir du temps ou/et de bien se connaître, et d’avoir une idée aussi souple que précise de son voyage. J’y reviendrai sûrement plus tard.
Que ce soient les denrées alimentaires qui m’ont été généreusement offertes ou les affaires de mon sac, je vois le caractère précieux. J’ai toujours gardé à manger jusqu’à mon arrivée. Je n’ai pas cherché à cumuler, même si je me demande si je ne devrais pas refuser trop de denrées généreuses pour me donner l’opportunité de rencontrer d’autres personnes et d’expliquer ma démarche. Mes affaires, j’en prends soin. Encore trop souvent, il y a un stress d’oublier mes affaires qui ont une voire plusieurs utilités. J’espère trouver l’équilibre entre l’inattention et le stress d’oublier, qui serait finalement une attention sans mesure ni démesure.
Rencontrer les personnes que je connais déjà, peu, bien, ou pas du tout est important. Autant créer du lien que nourrir le lien existant est précieux. Rentrer en relation ou l’approfondir. Partager ce qui est singulier et universel. Pour le moment, j’ai pu revoir 3 cousines germaines et 2 amis, et rencontré un cousin germain de mon père. Ce dernier, Alain, est décédé il y a quelques jours. Subitement, alors qu’il avait encore beaucoup de choses à faire, un jardin généreux, du bricolage et finaliser un beau triporteur de 1957 qu’il a totalement refait et qui n’avait besoin qu’une pièce pour démarrer. J’ai eu beaucoup joie à le rencontrer et à rencontrer sa femme, dans un vieux contexte de fracture familiale qu’il a subit, comme ses autres cousins. Ce différent est tombé dans l’oubli mais a laissé des traces un peu douloureuses. J’aime cet adage, la paix dans le monde commence à la maison.
De plusieurs personnes rencontrées sur mon chemin, j’ai reçu l’hospitalité et je fus invitée à diner ou déjeuner. J’ai dormi dans la nature quelques nuits.
Chaque journée était particulière, sans savoir qui je rencontrerais, quelle distance je parcourerais, de quelle manière, où je dormirais, ce que je mangerais… Sans craintes de l’extérieur.
Sur cette étape, il y a eu un arrêt programmé au dernier moment dans un lieu avec un esprit d’échange préétabli (d’où le retour en arrière près de Honfleur) : le gîte et le couvert contre une participation aux tâches et chantiers du lieu dans un esprit convivial et de partages. Ces espaces souvent alternatifs et ouverts sont des lieux où le respect de la nature, de l’être humain, du rythme de chacun, de la confiance réciproque, de l’ouverture me nourrissent beaucoup.
Autant sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle, mon rythme était quasi réglé comme du papier à musique, autant dans ce voyage, chaque journée est très différente. Au plus tôt, j’ai commencé à marcher à 5h20 et au plus tard, à 18h. Je me lave dès que je le peux, en totalité ou par parties. C’est même devenu un réflexe : faire tout ce que je peux pour rester propre, au sec en lavant sitôt mes affaires, en aérant mon duvet quelques heures après le lever. Pour tenir dans le temps, je me sens obligée de rester rigoureuse et j’ai l’impression que je deviens plus flexible et disponible à tout ce qui peut arriver. Je ne sais vraiment rien de demain, alors je fais ce que je peux dès que je le peux. C’est facile sur le chemin, j’espère pouvoir garder cette même dynamique quand le voyage prendra fin.
Marche ou voiture… Les deux! mon général ! J’aime beaucoup ces deux moyens de déplacement. En voiture, forcément, il y a rencontre et partage avec les conducteurs. Je sens que je suis totalement avec l’autre, dans l’échange, décentrée de moi-même tout en parlant de ma démarche si l’espace d’y prête. En marchant, je découvre des villages que les réseaux routiers contournent. Il est facile de discuter avec leurs habitants. Aussi, avancer dans des paysages qui peu à peu se modifient est intéressant, comme si intérieur et extérieur évoluent à la mesure du pas, sans causalité mais en même temps. Sans compter, l’espace intérieur très disponible pour l’autre. Cet autre qui souffre et/ou est heureux, cet autre qui me permet d’avancer, cet autre disponible pour discuter. J’y reviens plus bas.
J’ai très envie que mon voyage soit le plus profitable possible, comme s’il est aussi l’opportunité d’apprendre. Apprendre en voyant vivre les habitants ou les personnes de passage comme moi. Par exemple, laver la vaisselle au savon de marseille est efficace. Quand je repense à mes essais d’apprenti chimiste tentant de fabriquer du liquide vaisselle…
Je m’intéresse depuis quelques temps aux plantes, surtout celles que je trouve jolies et/ou qui sont comestibles. J’ai installé deux applications sur mon téléphone : PlantNet pour identifier les plantes et une application de flashcards qui permet d’apprendre intelligemment. C’est une combinaison gagnante !
La covid ne s’est pas trop invitée dans mon chemin. Seulement par petites touches: Doriane qui m’a partagé qu’à l’hôpital où elle travaille le chiffre des décès liés au covid était gonflé pour obtenir des aides et que la moitié du service dédié au Covid était occupé par des personnes asymptomatiques ; la réaction assez courante de conducteurs « Je suis vacciné, il n’y pas de problème » ; les barnums vides de dépistage à Paris le 16 juin ; Alain le vieux pilote de 81 ans qui après un mois d’hopital pour une fracture est resté un mois de plus pour covid sans symptômes.
A un moment de mon voyage, quand j’étais à Paris, j’ai eu plusieurs mauvaises nouvelles qui concernaient des parents endeuillés, des enfants orphelins, un oncle à la santé subitement dégradée, des cœurs de mère dans l’attente d’enfanter,… Au début de mon voyage, une personne rencontrée sur ma route m’a demandé de prier pour son fils. Par ailleurs, plusieurs personnes m’ont partagé les difficultés au sein de leur famille. C’est ajouté mon cousin Alain. La disponibilité de porter dans mon coeur toutes les personnes que l’Esprit y dépose est très précieuse. Je ressens la chance de vivre ce temps de disponibilité intérieure, plus particulièrement en marchant, peut-être est-ce un peu de cela la prière des moines et moniales retirées du monde ?
J’ai beaucoup reçu, j’espère pouvoir plus donner, avec joie et créativité. La peur de mal faire me paralyse, les autres que je rencontre m’inspirent. Encore du chemin à parcourir…
Vers Jérusalem – Semaine 3 (du 16 juin au 23 juin)
Merci à Nolwenn ; Stéphanie, Christian, Romane et Capucine ; Jean-Luc et Anne ; Mounir ; Françoise ; Jean-Philippe ; Yaya et Medhi ; Claude ; Dia ; la famille Raffi (Alexandre, Elisabeth, Emma et Lia) ; Franck ; Xavier et Bradley ; Jean-Pierre ; Lionel ; Florent ; Gérard, Edith et Simone ; Pascal et Isabelle ; Joël ; Doriane et Juliette ; Jérôme, Stéphane et Sandrine ; Florent ; Christophe et Estelle.
Passage à Paris pour cette troisième semaine à la fois pour récupérer mon poncho et mon bâton de marche et revoir des proches. Par ailleurs, je ne me sentais pas de débarquer à Paris sans savoir où j’allais dormir. Ce voyage est l’occasion de revoir de la famille éloignée que je n’ai pas revu depuis plus presque deux décennies, et ainsi entretenir des liens précieux, on partage une histoire commune.
Arrivée à Rueil-Malmaison la veille, le 16 juin, j’ai fait l’aller-retour jusque dans le 15ème arrondissement de Paris pour récupérer mes affaires oubliées et la clé de l’appartement de Jean-Luc et Anne qui m’ont permis d’y dormir en leur absence. Sur tout mon trajet, j’ai rencontré une dizaine de petit barnums servant au dépistage du covid. La permanence était tenue, mais aucune personne n’y était arrêtée. La moitié de la population portait le masque et je n’ai rencontré aucun policier municipaux sur les 2 fois 10km parcourus. A part ça, Paris reste Paris.
Le lendemain, j’ai fait route jusqu’à Saint-Maur-des-Fossés. A la sortie de Paris, près des fontaines à eau plate et gazeuse mises à disposition, j’ai discuté avec Mounir qui m’a donné beaucoup de conseils et notamment de ne pas hésiter à aller vers les prostitués, dans les mosquées, d’aller à la rencontre de tout le monde.
Les rencontres du chemin sont souvent des bulles d’oxygène, je rencontre Florent le premier adjoint qui ponce les bans pendant que sa petite fille joue. Ou bien, Jean-Philippe jeune retraité qui pêche dans la Marne et pose un regard très tranquille sur l’actualité car elle disparait dans une histoire longue mêlant la petite et la grande histoire des petits et grands territoires. Je pourrais poursuivre la liste.
Une générosité difficile à accueillir
Touchée par le gâchis existant, je souhaite me nourrir grâce à lui en partie pendant mon voyage. Je prends mon courage à deux mains et entre dans une boulangerie à Rueil. J’exprime du mieux que je peux mon voyage et demande à Mandele si elle n’a pas du vieux pain qu’elle jetterait ou donnerait. Elle me regarde avec des yeux ronds et me demande si c’est pour moi. Suite à ma réponse, elle me prépare un pain très frais. Je la remercie chaleureusement avant et après lui avoir demandé son prénom. Je m’enfuis presque tant je suis gênée par la situation en étant très gênée : je sais la valeur pour celui qui paye des charges ou pour celui qui achète pour se nourrir. Et moi ? Je choisis de voyager sans argent et bénéficie de la même qualité que celui qui paye. Cette situation s’est reproduite 2 fois, Rajan à Saint-Maur m’a proposé de choisir le paquet de gâteaux que je voulais dans son épicerie et Florent tenant le Proxi en me proposant le pain qui va se garder le plus longtemps, des tomates, des nectarines et un camembert. Quand plus tard sur mon trajet, je partage cette situation avec Corinne une habitante, elle me demande si je me suis arrêtée à la boulangerie, je lui réponds du tac-o-tac que j’ai encore des victuailles. J’ai l’impression que c’est ma réponse spontanée qui l’incline à me donner 10€. Je l’accueille, toujours avec un trémolo. Mounir, Françoise, la famille Raffi m’ont donné aussi de l’argent. Je me suis demandée si je ne devais pas refuser l’argent puisque j’avais choisi de le sortir de mon voyage. Finalement, j’ai opté pour accueillir plus que je n’ai demandé (des produits issus du gâchis ou 2m2 au sol pour dormir) avec l’intention de faire le meilleur usage possible, en fidélité avec mes valeurs, avec humilité en rapport à mes limites et avec transparence en vous partageant cette réalité-là.
Les petits pois
Lors d’un déplacement en autostop samedi matin, Jean-Pierre me partage qu’il a plusieurs caisses de petits pois à écosser. Je saute sur l’occasion ! Je vais pouvoir donner du temps, contribuer quelque part à un moment donné, de manière plus manuelle, plus incarnée. Finalement, on a écossé les petits pois le samedi soir et le dimanche matin. Jean-Pierre m’a offert l’hospitalité et m’a permis de poursuivre ma route le lendemain.
A d’autres moments, mon hôte m’a partagé recevoir quelque chose de moi, à travers les échanges ou un petit coup de main. On ne peut pas savoir ce qu’on donne avec ce qu’on est et ce n’est pas grave. Mais alors, être dans sa singularité la plus sincère et la plus joyeuse est une voie de don sans mesure ni démesure.
Le moment juste
Françoise ne s’est pas pourquoi elle s’est arrêtée à me parler. On a bien discuté, moi sur mon banc à Saint-Maur usée par les kilomètres depuis Paris et elle qui rentrait chez elle. L’inquiétude semble avoir été son premier moteur pour me proposer de dormir chez elle cette nuit. Elle a eu cet élan que j’entends parfois des conducteurs qui s’arrêtent quand je tends le pouce « Je n’ai jamais pris personne en stop ». Cette soirée orageuse dehors fut douce, Françoise a pris soin de moi comme une maman.
Sucré ou salé
Pendant plusieurs jours, les conducteurs et les habitants rencontrés m’ont offert des denrées sucrées. C’était aussi mon grand plaisir… à court terme. Je me fais la remarque que le sucre n’est pas bon du tout pour mon corps mais que le sentiment de gratitude pouvait modifier l’effet produit sur mon corps tout en espérant que du salé ne tarde pas trop. Le lendemain matin, Franck qui m’a pris en stop alors que je n’avais pas encore sorti mon panneau me propose un sandwich à emporter pris sur la route. Puis d’autres denrées salées se sont ajoutées. J’ai souri car au moment où j’ai pris conscience que ces denrées sucrées étaient aussi douces au palet qu’acides à mon corps et non durables, j’ai eu la chance de manger des aliments salés. C’était comme une pluie qui arrive au moment où on prend conscience de la sécheresse.
Transmission
Je fus reçue par Isabelle et Pascal qui m’ont vue m’installer dans le lavoir qui leur font face et m’ont proposé spontanément l’hospitalité, de manière très naturelle, comme un héritage conservé et encore vivant. En outre, à l’entrée de leur maison, ils avaient sur le mur, l’inscription de Meilleure grand-mère du monde et Meilleur grand-père du monde. D’autre part, j’ai rencontre Doriane et sa petite fille Juliette de 4 ans qui se sont arrêtées à ma hauteur quand je marchais sous la pluie. Par des approches éducatives un peu différentes, Doriane a à coeur de transmettre l’ouverture à l’inconnu, à la différence, au champs des possibles.
Avec 4 jours d’avance, le 23 juin, j’arrive chez Christophe et Estelle chez qui le stage aura lieu. Une autre aventure commence…
Vers Jérusalem – Semaine 2 (du 9 au 15 juin)
Merci à Georges, Didier, Catherine, Paul-Henri et Joséphine ; Christine et Thierry ; Christine ; Lucile (et ses enfants Mano et Elisa) ; Samir ; Daoud ; Nolwenn
Cette deuxième semaine s’est construite sur la nécessité de retrouver à Paris mon poncho et mon bâton. Concernant mon matelas, je l’ai retrouvé à la mairie, grâce à une personne qui l’y a déposée. Depuis, c’est mon stylo que j’ai oublié dans une voiture…
Autant je me sens bien à dormir à dormir en pleine campagne, autant je suis plus réservée pour la ville. Du coup, j’ai programmé mon passage à Paris le mardi 17 juin. Entre temps, le samedi je reprenais la route en traversant la forêt de la Brotonne direction le Marais-Vernier marquant mon premier retour sur mes pas. Avant d’arriver à Paris, et après avoir marché à l’inconnu et avoir revu des proches, j’avais besoin de m’arrêter dans un lieu d’apprentissage et d’échange privilégié, peut-être l’envie de pouvoir donner à mon tour… Après avoir traversé la forêt, alterné marche et autostop (le pouce tendu vers la première voiture que je vois en pleine campagne, Paul-Henri et Joséphine s’arrêtent), j’arrive en fin de journée chez Christine et Thierry. Quelques secondes avant, je me disais que je demanderais un abri à la prochaine personne souriante que je rencontrerai. Ce couple a orienté leur projet de vie dans la reconnaissance du Marais-Vernier, dans la réhabilitation de cet espace naturel où l’entretien de la biodiversité se conjugue avec justesse avec élevage (highlands, chevaux de Camargue et moutons y paissent). Le lendemain, j’ai repris avec tristesse la route, j’aurais bien voulu donner un coup de main, mais je m’étais engagée à venir dimanche matin chez Lucile qui a fondé l’Escargotier et était en plein chantier de maison. Pendant la journée et demi, j’ai pu participer à l’installation du plancher, des solives. Son fils de 9 ans m’a initié à la pose de plancher, peut-être pas si étonnant qu’il se prénomme Mano.
Du parc naturel du marais du Cotentin et du bessin au au parc naturel régional des boucles de la Seine, je quitte la Normandie pour Paris.
Après ce court temps agréable sur le lieu, Lucile allait à Rouen à sa boutique. Depuis le centre, je marchais en direction de Paris quand je tombe nez à nez avec un paquet de sacs poubelle sur le trottoir. Ca semble innocent, anodin… mais il n’en est rien ! Depuis que je suis partie, je rouspette au moins une fois par jour pour avoir oublié de demander aux personnes que je rencontre un sac poubelle qui me permettrait de ramasser les déchets sur ma route. Et là, le destin me nargue… Plusieurs options, je le ramasse et le mets de côté « genre Je ne t’ai pas vu », j’essaye de le refiler à quelqu’un d’autre… ou je saisis ma chance d’avoir un stock conséquent de sacs (des sacs jaunes, donc bien grands). Je soupire, je l’ai vu, je le regarde alors bien en face… Tu es lourd, mais allez, je t’emmène et on va ramasser ensemble des mètres cubes de plastique !
Après quelques kilomètres de marche, je tends le pouce. 5 minutes plus tard, Samir s’arrête. L’autostop n’a jamais été facile jusqu’à maintenant lors ce voyage. Grâce à Samir et Daoud, j’arrive rapidement à Paris. Chacun d’eux tient à me donner un petit truc à boire ou à manger.
J’arrive au terme de cette semaine, commencée par trois jours de repos. Cela me semblait luxueux, de me reposer déjà. Mais je crois que c’est un cadeau pour un long voyage que j’accepte et là aussi m’invite à lâcher prise sur l’envie de faire un voyage intense où je ne lésinerai pas d’efforts. Puis ce premier temps plus construit du voyage me ramenant sur mes pas et finissant par un grand saut à Paris pour arriver chez Nolwenn.
Semaine 1 – Quelques photos
Désolée pour la qualité des photos, j’espère m’améliorer peu à peu dans les manipulations.
Vers Jérusalem – Semaine 1
Merci à Alain et Marie-France ; Daniel et Jacqueline ; Yannick, Didier, Patrick, Jean-Jean ; Brigitte ; Alain ; Patrick et Franck ; Jean-Luc et Anne ; les prémontrés ; Sixtine et Guillaume ; Thomas et Juline ; Véronique et Thierry ; Guillaume ; Vicasse ; Jacques ; Monique et Marc (et leurs enfants Camille (&Valère), Manoë et leur cousine Océane); Francine, Jacques ; Samir et Saïd et leurs autres collègues ; Georges.
As-tu mangé ?
Je passais à côté d’un barbecue dans le port de Carentan. Je réfléchissais à continuer quelques kilomètres, à ma première nuit quand cette phrase est arrivée à mes oreilles. Par le passé, on m’a déjà proposé de partager le repas, mais j’avais déjà mangé. J’aime beaucoup goûter, partager le repas avec quelqu’un, ce qu’il a préparé, la cuisine qui fait sens pour lui. Alors depuis le début de la semaine jusqu’à maintenant, j’ai toujours gardé de la nourriture qui m’a été donné. Je marche, j’avance avec une petite faim et mange ces précieuses denrées avec solennité quand je suis seule.
Je reviens à l’invitation, me voilà à partager la soirée avec Yannick, Didier, Jean-Philippe dit Jean-Jean (camarade de maternelle de ma sœur) et Patrick. Yannick, celui qui avait invité ses 3 amis de port (3 sur les 4 vivent à l’année dans leurs bateaux), me propose de dormir dans sa cabine disponible. Quelle première soirée agréable et première nuit ! Durant toute la semaine, j’ai dormi une fois dehors dans un champ où le foin était en andain.
Et pourquoi pas ?!
C’est ce que m’a dit Alain à l’esprit très jeune aux 81 printemps que j’ai rencontré à Longueville. Il a une vie très riche et a vécu des évènements liés à sa condition de pilote dans l’armée sur différents endroits du globe. Je cherchais une personne que mes parents ont connu. Un premier échange a eu lieu avec lui, puis suite à la recherche vaine de la personne recherche, un 2ème qui s’est poursuivi à table.
Je lui partageais qu’arriver à Jérusalem n’était pas gagné à plus d’un titre. Du tac-o-tac, il m’a répondu « Et pourquoi pas ?! » J’avais été tenté de lui rétorquer que les époques étaient différentes. Mais il y a toujours eu des concours de circonstances permettant l’avènement d’évènements improbables.
Vous allez aller là-bas avec ça ?
Ils parlent de mes chaussures ! Si, ça en est…. Je ne parle pas des semelles découpées dans la moquette et tenues par de la ficelle de round baller (c’est léger dans le sac, je m’étonne du confort occasionné pour les pieds). La semaine fut plutôt difficile, avec en fin de semaine 31km une journée. Les chaussures incriminées sont barefoot, c’est-à-dire avec des semelles fines et sans talon. Je me suis entraînée des mois plus ou moins régulièrement. Mais le poids du sac m’a fait m’asseoir par terre bien souvent. En fin de semaine, j’ai pensé à abandonner la marche ou bien ces chaussures-là pour des chaussures conventionnelles qu’on trouve partout. En vous écrivant, je veux tenter autrement sur les jours à venir : marcher beaucoup plus doucement pour moins souffrir de l’absence d’amorti et moins de kilomètres surtout en ce début de parcours.
Sac à dos et affaires
Bon, au bout d’une semaine, j’ai déjà oublié mon bâton de marche (pourtant bien précieux), mon poncho et mon matelas. Ce sont des gros objets, ça commence bien ! Je pourrais récupérer les deux premiers à Paris grâce à Jean-Luc et Anne qui m’ont accueillie cette semaine en Calvados. Concernant mon matelas, je ne l’ai pas retrouvé mais sa recherche m’a permis d’avoir un échange léger et profond avec Samir, Saïd et leurs collègues compensant largement la perte de mon matelas. Samir m’a enseigné mine de rien, j’ai lâché ma recherche et j’ai repris mon chemin, différente.
Panachage fortuit des moyens de locomotion & routes
Cette semaine, j’ai marché un peu plus de 100 km. Je suis montée plusieurs fois en voiture : parce que j’ai été mal placé sur la route, le conducteur me voyant de près m’a proposé de monter, parce qu’au détour d’une conversation une personne apprend que je souhaite aller dans la direction qu’elle, parce qu’un ami de la personne que je rejoignais faisait un bout et l’enfin l’envie de m’aider à progresser dans mon long parcours. La voiture permet souvent les échanges et c’est pour moi l’opportunité d’en apprendre plus des autres. Cette semaine, j’ai actionné le mode autostop (je troque la jupe pour le pantalon, ramasse mes gourdes latérales zonnnnnnnnn (désolée, ça me fait penser à une voiture ou un super-héros qui change d’apparence) pour rejoindre ma cousine Véronique et son mari (ce qui n’était pas du tout prévu ou imaginable de ma part !)
Question choix de parcours, j’avais opté pour les GR uniquement histoire d’éviter le bitume, mais finalement, le kilométrage est trop important. J’ai perdu beaucoup de temps et d’énergie surtout les premiers jours à mixer les GR et les routes sans destination finale.
Je suis beaucoup plus heureux
En discutant le première soir dans le bateau, Yannick m’a partagé qu’il est bien plus heureux à vivre maintenant dans son bateau qu’auparavant dans son logement avec tout le confort moderne. Il me partageait cela tout en chauffant de l’eau à la bouilloire avec sa stature imposante qui l’oblige à quelques contorsions à chaque déplacement dans le bateau.
Ça te dit de venir à l’abbaye de Juye-Mondaye ?
C’est l’invitation de Jean-Luc et Anne qui avaient prévu de s’y rendre. L’ordre des prémontrés fêtait ce jour-là ses 900 ans, ses deux grandes missions sont l’apostolat et la liturgie. Ainsi, de Formigny, une petite ville dans les terres en dessous des plages du débarquement, je suis allée jusqu’à Bénerville, proche de Deauville, en dépassant les villes de Bayeux et Caen pour la fête des prémontrés, à Sixtine et Guillaume qui m’ont proposé de m’emmener car ils habitent le lieu où je voulais aller, à Thomas et Juline qui m’ont aidé à contacter ma cousine Véronique qui m’invite à la rejoindre plus loin sur la côte, à Guillaume un ami de ma cousine qui m’a récupérée le lendemain matin et enfin à Maxime le conducteur qui s’est arrêté au bout de 15 secondes d’attente pour le dernier bout me permettant de rejoindre Véronique et Thierry avec qui j’ai passé une agréable journée.
Générosité
Je me sens gâtée par toutes les attentions spontanées. J’ai le cœur qu’explose à chaque fois.
Je suis tout autant touchée par Brigitte qui m’a permis le 2ème jour de dormir au chaud tout en ayant très peur (covid, arnaque) que Marc et Monique qui n’ont pas pris le temps de réfléchir, leurs regards ont exprimé sans retenue leur élan du cœur.
Pour ceux qui me connaissent, je fais attention à ne plus faire entrer d’objets dans ma vie qui ne seront pas essentiels. Mais en voyage, pendant cette semaine, j’ai reçu spontanément un livre (Gladiateur des mers, sacré tour du monde d’Yvan Bourgnon), des masques, des yahourts, des fruits, des chips, du pain, du camembert, une pomme, du lait, un pansement. Je les porte ou les ai porté de bon cœur. Également, j’ai reçu des conseils. Alors que je marchais en parallèle d’une habitante d’un âge certain, elle semblait ravie ou soucieuse pour moi que je comprenne bien par où passer pour sortir de la ville au vu des répétitions.
Rien n’est fortuit
Dans l’Eure, je marchais en m’attristant de n’avoir pu échanger avec les gens du coin sur les chaumières et de devoir me renseigner sur Wikipédia. Peut-être étais-je perdue dans ses pensées-là quand Jacques s’arrêta à ma hauteur pour me dire qu’il ne m’avait pas vue sur le bord de la route. Il me proposa de m’emmener plus loin, me partagea avec passion sa connaissance des chaumières, des écrivains du coin, également les drames qu’il a vécu. Nous sommes allés voir voir plusieurs chaumières magnifiques.
Avec Samir, sur le bord de la route dont il venait de faire le revêtement, la conversation fut courte mais au plus proche de la dimension spirituelle de mon odyssée. Samir exprimait qu’on ne peut jamais chercher et trouver quelque chose ou quelqu’un qu’on ne connait absolument pas. Les événements s’enchaînent, s’interconnectent.
J’ai besoin que tu partes dehors 15 minutes
Chez Georges avec qui j’ai colocationné il y a quelques années, j’ai pu me reposer quelques jours, marcher, prendre le temps d’écrire ce récit. Il m’a même retiré une épine du pied, au sens littéral! Son habitat est petit mais son coeur grand. Je reviens à sa demande, qu’il m’a formulé tous les jours, aux alentours de 18h30. Il semblait désolé de me mettre à la porte. J’ai trouvé génial que quelqu’en soit la cause, il s’est senti libre d’exprimer ses besoins.
Conclusion de cette première semaine
Cette semaine et les quelques jours de repos m’ont permis de confronter l’idée de mon voyage avec le réel. J’ai souffert des pieds, mais je tiens à la simplicité, à l’intelligence du corps, à la possibilité de trouver des solutions. Je suis reconnaissante pour toutes les rencontres sur mon chemin. Cependant, il me faut aller au-delà de ma timidité et aussi d’être plus spontanée dans l’action (agir plutôt quitte à me tromper que de trépigner en attente d’une tâche que je pourrais faire). Au-delà de la réciprocité, recevoir génère en moi une joie et une envie de donner sans mesure ni démesure et sans bornes dans le temps. Comme un cercle vertueux qui s’emballe.
Je doute encore d’être à la hauteur de l’idée que je me fais de ce voyage, je vais essayer de rester dans le ici et maintenant tant que possible.