Depuis la Bretagne, Sylvie, (une autre) Sylvie, Rose, Carole, Olivier et Sébastien, Olivier et Emmanuel, Laurent, Sarah, Rémy, Jean-Marie, Jean-Yves, Anne-Claire, Julie, Sylvie et Milou, Rudy, Jean-Léon, Benjamin, Marc, Christian, Raymond, Nadine, Philippe, Charlotte, Youssef, Chantal, Agathe Hermance et Jéhan, Audrey et Eymeric, Olivier, Patrick, Fabrice, Marie-Christine, Clément, Sylvain et Charlie, Luce, Christian, Charlie et Sylvain, Leslie et Marie, Nathalie, Pierre, Nicole, Jordan, Hugo et Anna, Victoire, Katy, Clément, (Victoire et) Jean-François, Jean-Michel et Laurence, Emmanuel, Thomas et Bixente… m’ont permis d’arriver jusqu’à Valence.

Avec un chouïa d’appréhension et une tonne de joie, j’ai remis une nouvelle fois mon sac sur le dos. Tous les évènements auxquels j’étais conviée et ainsi que les nombreux chantiers sont maintenant derrière moi.
J’ai beaucoup avancé en autostop depuis l’Ile-et-Vilaine. J’aime beaucoup rencontrer les personnes. Je sais par l’expérience du chemin de St Jacques que la marche est très solitaire même si les rencontres peuvent être nombreuses. Trop solitaire pour moi en ce moment semble-t-il. Et pourtant, marcher dans les pas des autres avec le même cap en visée, le corps pétri par le mouvement répétitif et l’effort constant, offre à celui qui choisit d’avancer ainsi, un voyage intérieur très puissant.

Le mariage de mes amis était beau. Ils ont ouvert le bal par une danse préparée avec leurs deux ados, succès total.
Une diversité de personnes. J’étais dans ma tenue de voyageuse (féminisée un brin), qui n’a dérangé qui moi. Il aurait été possible de m’organiser autrement, mais j’ai choisis la simplicité et la facilité. Ce fut vraiment bon, mais presque dérangeant (je pousse évidemment le bouchon!). Me voyait-on ? À la mesure des nombreux échanges et sourires, la réponse est affirmative. Je me suis sentie considérée pour ma personne et non pour mon personnage qui lui me permet de faciliter les rencontres en route.

Chaque rencontre est riche. Depuis que je suis partie, j’ai peine à écrire car pour chacune d’elle, je pourrais faire un paragraphe. Cela me semble injuste de faire des choix dans l’écriture comme si j’ordonnais la richesse des rencontres et la générosité des personnes rencontrées. Il me faut bien accepter la subjectivité nécessaire à une longueur acceptable.

Le regard bienveillant
Rémy est un opportuniste de la vie, ce qui l’a amené sans calculs à vivre grand nombre d’expériences enrichissantes. Il est un mari amoureux, joyeusement reconnaissant de partager sa vie avec sa femme. Il m’a parlé de ses deux enfants, de leurs réactions quand ils étaient enfants, avec un mélange d’étonnement, de fierté et d’humilité.
En écoutant Jean-Yves, et en lisant un peu entre les lignes, je comprends qu’il a dirigé une entreprise. C’est aujourd’hui son fils qui est aux commandes. Nous avons été émus tous les deux du regard bienveillant et admiratif que nous avons eu l’un pour l’autre. Il m’a parlé que chaque personne dans une entreprise n’est pas interchangeable et est importante quelque soit son poste. Il a « partagé un bout de chemin avec (ses) compagnons de route ». J’ai senti le mélange de joie, de fierté et d’accueil à ce que son fils continue avec les mêmes valeurs que lui.

Cette semaine, j’ai rencontré des personnes s’occupant de gite et de chambres d’hôtes.
Mercredi soir, quelques dizaines de kilomètres avant Clermont-Ferrand, je descends de la voiture d’Olivier. La nuit ne va pas tarder à tomber. Sur son conseil de faire attention à l’altitude croissante et donc au froid qui va avec, je choisis de me rapprocher d’un lieu dit. C’est un gîte et des chambres d’hôtes. Je fais le tour des bâtiments mais je ne vois personne. Je décide d’installer mon matelas dans un bâtiment ouvert près des voitures et d’un tas de bois, prête à pratiquer à nouveau le « squat bonifiant ». Une demi-heure plus tard, c’est la compagne du propriétaire des lieux qui arrive. Je fonce sur elle, elle est très à l’aise. Un plus tard encore, Patrick arrive et au courant de ma demande à m’installer dans ce bâtiment ouvert, il me propose un gîte. Avec coeur et spontanéité, il remet le chauffe-eau en route, me propose un chauffage et m’encourage à utiliser le lit qui est fait. J’étais très gênée d’autant d’accueil. J’ai proposé une aide qu’il a déclinée. Il m’a dit avec une simplicité qui a touchée mon coeur « cela me fait plaisir de vous accueillir ».
Jeudi, je rencontrais Leslie et Marie, mère et fille. Marie et son mari ont vendu récemment le village vacances et projettent d’acheter un autre espace comme un gîte ou un camping. Elles m’ont proposé de remplir ma gourde vide et si j’avais besoin d’autre chose.
Le lendemain, c’est Jean-Michel et Laurence qui s’arrêtent sur la route assez froide entre le Puy-en-Velay et Valence. Ils gèrent le gîte des mots. Juste avant de descendre, Jean-Michel m’a offert un recueil de poèmes qu’il vient d’éditer.
Dans le métier que l’on fait, il peut y avoir cette qualité qui ne s’occupe pas de l’argent. En l’occurrence, l’accueil de celui qui voyage.
Cette même semaine, j’ai vécu la même chose concernant les métiers de bouche. Je suis entrée dans une boucherie de village. Je sentais que la commerçante prenait le temps avec sa cliente. Une fois la cliente partie, j’ai présenté en quelques mots mon voyage et lui ai demandé si elle a des produits qu’elle ne peut plus vendre. Avec une simplicité et une spontanéité totales, elle me prépare des petites choses qu’elle aurait mangé et me rajoute deux pommes de son jardin et un bout de son pain.
Le lendemain, je m’arrête à proximité d’une boulangerie car je pouvais m’asseoir et manger les précieuses denrées. N’ayant plus d’eau, je demande à la boulangère Éliane si elle veut bien remplir ma gourde. Le sac de pains dans un coin est à vendre. Tant pis. On discute quelques mots sur ma destination tout en servant ses clients. Et tout en fourrant une baguette fraîche et deux pains au raisins…sans lui avoir demandé des invendus ou lui avoir partagé sur ma manière de me nourrir.

Sur la route vers Clermont-Ferrand, Fabrice m’a partagé sur le chantier de sa maison, avec un grand soin à utiliser des matériaux naturels. Il m’a aussi partagé une grande passion qu’est l’abeille et la ruche. Son père est passionné aussi et fabrique lui-même des ruches. Une des plus courantes est la ruche Dadant, pratique pour l’apiculteur mais moins pour l’abeille. L’abeille construit naturellement en descendant. Dans le cadre d’un projet annexe de son travail (il est gendarme), il a contribué à l’installation d’une ruche Warré sur un versant de Clermont-Ferrand après le premier confinement. Il est encore trop pour faire conclusions mais cela semble plutôt positif. Ce type de ruche est beaucoup plus respectueux de l’abeille. Son formateur partageait que l’installation de ruches par des entreprises est une mode, mais la durabilité n’est pas visée et souvent pour des budgets importants. C’est pourquoi, ce dernier a quitté Paris et a souhaité travailler autrement sa passion.

J’étais bien partie pour arriver à Valence après 4 jours de traversée de la France depuis les alentours de Rennes. Mais c’était sans compter sur ma légendaire étourderie. En effet, sur la route entre le Puy-en-Velay et Valence, assez froide quand même, j’oublie dans la voiture de Katy mon téléphone. Un léger espoir qu’il soit tombé avant de monter. Vain car rapidement, grâce à Clément, il n’est pas à l’endroit où j’étais. La nuit commence à tomber. Étant à proximité de la maison de Victoire qui m’a offert l’hospitalité, je choisis d’y aller. L’échange avec Victoire avait été assez court et chouette mais l’envie d’avancer était plus fort. L’oubli de mon téléphone m’a permis de passer une délicieuse soirée. Leur métier d’enseignant dans le secondaire et en filière pro me rappelait plaisamment une certaine époque. J’ai kiffé leur maison que Jean-François a construit. Nous avons partagé aussi sur le chemin de Saint Jacques.
En prenant le temps, c’est ainsi que j’ai dormi chez Jean-Léon deux jours plus tôt. Nous avons discuté une partie de la soirée sur les élections présidentielles, c’était très agréable pour moi car pas de parti pris exprimé, juste du partage d’analyses.

Ma première nuit de reprise fut sous un abri ouvert. Heureusement que je suis bien équipée, on pouvait voir le givre sur les voitures au matin. Les nuits suivantes furent chez l’habitant. Il m’est plus facile de repérer un coin extérieur pour dormir que de toquer à une porte. Mais je me demande si ce n’est l’acceptation du recevoir qui serait en jeu. Ce qui serait une explication parmi d’autres sur l’apparent non choix de vivre dans la rue. Accepter que la vie ne sait que subvenir à nos besoins par tout un tas de ressorts : l’abondance de la nature, nos ressources qui peuvent apporter à quelqu’un, l’inclinaison humaine à aider, à se surpasser,…

J’avais très envie d’avancer mais cette semaine m’a permis de goûter la richesse de prendre le temps. Le premier pas contre-productif permet souvent une productivité par voie de conséquence, en plus des fruits.

Prenez soin de vous et à bientôt !

Publié dans: Jérusalem.
Dernière modification: février 21, 2022