22 jours de voyage, 921km dont 306km à pied et 615km en voiture (dont 260km en auto-stop et 355km avec des personnes qui m’ont proposé de m’emmener)

Beaucoup de générosités en simplicité, en attentions, en réciprocité, en victuailles fraîches, en bienveillance, en monnaie sonnante et trébuchante, en discussions sur le chemin,…

Lors de cette première étape, ce fut la traversée de plusieurs bois et forêts (Boulogne, Vincennes, Brotonne,…), plusieurs parcs naturels (des Marais du Cotentin, des boucles de la Seine,…), des cultures de céréales, des herbes hautes. J’ai marché sur du bitume, des cailloux, de la terre, de l’herbe. J’ai marché sous le soleil, sous la pluie et sous l’orage.

Tous les mois de préparation m’ont permis d’avoir une maison sur le dos assez opérationnelle. Il est bon d’avoir du temps ou/et de bien se connaître, et d’avoir une idée aussi souple que précise de son voyage. J’y reviendrai sûrement plus tard.

Que ce soient les denrées alimentaires qui m’ont été généreusement offertes ou les affaires de mon sac, je vois le caractère précieux. J’ai toujours gardé à manger jusqu’à mon arrivée. Je n’ai pas cherché à cumuler, même si je me demande si je ne devrais pas refuser trop de denrées généreuses pour me donner l’opportunité de rencontrer d’autres personnes et d’expliquer ma démarche. Mes affaires, j’en prends soin. Encore trop souvent, il y a un stress d’oublier mes affaires qui ont une voire plusieurs utilités. J’espère trouver l’équilibre entre l’inattention et le stress d’oublier, qui serait finalement une attention sans mesure ni démesure.

Rencontrer les personnes que je connais déjà, peu, bien, ou pas du tout est important. Autant créer du lien que nourrir le lien existant est précieux. Rentrer en relation ou l’approfondir. Partager ce qui est singulier et universel. Pour le moment, j’ai pu revoir 3 cousines germaines et 2 amis, et rencontré un cousin germain de mon père. Ce dernier, Alain, est décédé il y a quelques jours. Subitement, alors qu’il avait encore beaucoup de choses à faire, un jardin généreux, du bricolage et finaliser un beau triporteur de 1957 qu’il a totalement refait et qui n’avait besoin qu’une pièce pour démarrer. J’ai eu beaucoup joie à le rencontrer et à rencontrer sa femme, dans un vieux contexte de fracture familiale qu’il a subit, comme ses autres cousins. Ce différent est tombé dans l’oubli mais a laissé des traces un peu douloureuses. J’aime cet adage, la paix dans le monde commence à la maison.
De plusieurs personnes rencontrées sur mon chemin, j’ai reçu l’hospitalité et je fus invitée à diner ou déjeuner. J’ai dormi dans la nature quelques nuits.
Chaque journée était particulière, sans savoir qui je rencontrerais, quelle distance je parcourerais, de quelle manière, où je dormirais, ce que je mangerais… Sans craintes de l’extérieur.
Sur cette étape, il y a eu un arrêt programmé au dernier moment dans un lieu avec un esprit d’échange préétabli (d’où le retour en arrière près de Honfleur) : le gîte et le couvert contre une participation aux tâches et chantiers du lieu dans un esprit convivial et de partages. Ces espaces souvent alternatifs et ouverts sont des lieux où le respect de la nature, de l’être humain, du rythme de chacun, de la confiance réciproque, de l’ouverture me nourrissent beaucoup.

Autant sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle, mon rythme était quasi réglé comme du papier à musique, autant dans ce voyage, chaque journée est très différente. Au plus tôt, j’ai commencé à marcher à 5h20 et au plus tard, à 18h. Je me lave dès que je le peux, en totalité ou par parties. C’est même devenu un réflexe : faire tout ce que je peux pour rester propre, au sec en lavant sitôt mes affaires, en aérant mon duvet quelques heures après le lever. Pour tenir dans le temps, je me sens obligée de rester rigoureuse et j’ai l’impression que je deviens plus flexible et disponible à tout ce qui peut arriver. Je ne sais vraiment rien de demain, alors je fais ce que je peux dès que je le peux. C’est facile sur le chemin, j’espère pouvoir garder cette même dynamique quand le voyage prendra fin.

Marche ou voiture… Les deux! mon général ! J’aime beaucoup ces deux moyens de déplacement. En voiture, forcément, il y a rencontre et partage avec les conducteurs. Je sens que je suis totalement avec l’autre, dans l’échange, décentrée de moi-même tout en parlant de ma démarche si l’espace d’y prête. En marchant, je découvre des villages que les réseaux routiers contournent. Il est facile de discuter avec leurs habitants. Aussi, avancer dans des paysages qui peu à peu se modifient est intéressant, comme si intérieur et extérieur évoluent à la mesure du pas, sans causalité mais en même temps. Sans compter, l’espace intérieur très disponible pour l’autre. Cet autre qui souffre et/ou est heureux, cet autre qui me permet d’avancer, cet autre disponible pour discuter. J’y reviens plus bas.

J’ai très envie que mon voyage soit le plus profitable possible, comme s’il est aussi l’opportunité d’apprendre. Apprendre en voyant vivre les habitants ou les personnes de passage comme moi. Par exemple, laver la vaisselle au savon de marseille est efficace. Quand je repense à mes essais d’apprenti chimiste tentant de fabriquer du liquide vaisselle…

Je m’intéresse depuis quelques temps aux plantes, surtout celles que je trouve jolies et/ou qui sont comestibles. J’ai installé deux applications sur mon téléphone : PlantNet pour identifier les plantes et une application de flashcards qui permet d’apprendre intelligemment. C’est une combinaison gagnante !

Orchis de Fuchs (sauf erreur)

La covid ne s’est pas trop invitée dans mon chemin. Seulement par petites touches: Doriane qui m’a partagé qu’à l’hôpital où elle travaille le chiffre des décès liés au covid était gonflé pour obtenir des aides et que la moitié du service dédié au Covid était occupé par des personnes asymptomatiques ; la réaction assez courante de conducteurs « Je suis vacciné, il n’y pas de problème » ; les barnums vides de dépistage à Paris le 16 juin ; Alain le vieux pilote de 81 ans qui après un mois d’hopital pour une fracture est resté un mois de plus pour covid sans symptômes.

A un moment de mon voyage, quand j’étais à Paris, j’ai eu plusieurs mauvaises nouvelles qui concernaient des parents endeuillés, des enfants orphelins, un oncle à la santé subitement dégradée, des cœurs de mère dans l’attente d’enfanter,… Au début de mon voyage, une personne rencontrée sur ma route m’a demandé de prier pour son fils. Par ailleurs, plusieurs personnes m’ont partagé les difficultés au sein de leur famille. C’est ajouté mon cousin Alain. La disponibilité de porter dans mon coeur toutes les personnes que l’Esprit y dépose est très précieuse. Je ressens la chance de vivre ce temps de disponibilité intérieure, plus particulièrement en marchant, peut-être est-ce un peu de cela la prière des moines et moniales retirées du monde ?

J’ai beaucoup reçu, j’espère pouvoir plus donner, avec joie et créativité. La peur de mal faire me paralyse, les autres que je rencontre m’inspirent. Encore du chemin à parcourir…

Publié dans: Jérusalem.
Dernière modification: juillet 1, 2021

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