Merci à Alain et Marie-France ; Daniel et Jacqueline ; Yannick, Didier, Patrick, Jean-Jean ; Brigitte ; Alain ; Patrick et Franck ; Jean-Luc et Anne ; les prémontrés ; Sixtine et Guillaume ; Thomas et Juline ; Véronique et Thierry ; Guillaume ; Vicasse ; Jacques ; Monique et Marc (et leurs enfants Camille (&Valère), Manoë et leur cousine Océane); Francine, Jacques ; Samir et Saïd et leurs autres collègues ; Georges.

As-tu mangé ?
Je passais à côté d’un barbecue dans le port de Carentan. Je réfléchissais à continuer quelques kilomètres, à ma première nuit quand cette phrase est arrivée à mes oreilles. Par le passé, on m’a déjà proposé de partager le repas, mais j’avais déjà mangé. J’aime beaucoup goûter, partager le repas avec quelqu’un, ce qu’il a préparé, la cuisine qui fait sens pour lui. Alors depuis le début de la semaine jusqu’à maintenant, j’ai toujours gardé de la nourriture qui m’a été donné. Je marche, j’avance avec une petite faim et mange ces précieuses denrées avec solennité quand je suis seule.
Je reviens à l’invitation, me voilà à partager la soirée avec Yannick, Didier, Jean-Philippe dit Jean-Jean (camarade de maternelle de ma sœur) et Patrick. Yannick, celui qui avait invité ses 3 amis de port (3 sur les 4 vivent à l’année dans leurs bateaux), me propose de dormir dans sa cabine disponible. Quelle première soirée agréable et première nuit ! Durant toute la semaine, j’ai dormi une fois dehors dans un champ où le foin était en andain.

Et pourquoi pas ?!
C’est ce que m’a dit Alain à l’esprit très jeune aux 81 printemps que j’ai rencontré à Longueville. Il a une vie très riche et a vécu des évènements liés à sa condition de pilote dans l’armée sur différents endroits du globe. Je cherchais une personne que mes parents ont connu. Un premier échange a eu lieu avec lui, puis suite à la recherche vaine de la personne recherche, un 2ème qui s’est poursuivi à table.
Je lui partageais qu’arriver à Jérusalem n’était pas gagné à plus d’un titre. Du tac-o-tac, il m’a répondu « Et pourquoi pas ?! » J’avais été tenté de lui rétorquer que les époques étaient différentes. Mais il y a toujours eu des concours de circonstances permettant l’avènement d’évènements improbables.

Vous allez aller là-bas avec ça ?
Ils parlent de mes chaussures ! Si, ça en est…. Je ne parle pas des semelles découpées dans la moquette et tenues par de la ficelle de round baller (c’est léger dans le sac, je m’étonne du confort occasionné pour les pieds). La semaine fut plutôt difficile, avec en fin de semaine 31km une journée. Les chaussures incriminées sont barefoot, c’est-à-dire avec des semelles fines et sans talon. Je me suis entraînée des mois plus ou moins régulièrement. Mais le poids du sac m’a fait m’asseoir par terre bien souvent. En fin de semaine, j’ai pensé à abandonner la marche ou bien ces chaussures-là pour des chaussures conventionnelles qu’on trouve partout. En vous écrivant, je veux tenter autrement sur les jours à venir : marcher beaucoup plus doucement pour moins souffrir de l’absence d’amorti et moins de kilomètres surtout en ce début de parcours.

Sac à dos et affaires
Bon, au bout d’une semaine, j’ai déjà oublié mon bâton de marche (pourtant bien précieux), mon poncho et mon matelas. Ce sont des gros objets, ça commence bien ! Je pourrais récupérer les deux premiers à Paris grâce à Jean-Luc et Anne qui m’ont accueillie cette semaine en Calvados. Concernant mon matelas, je ne l’ai pas retrouvé mais sa recherche m’a permis d’avoir un échange léger et profond avec Samir, Saïd et leurs collègues compensant largement la perte de mon matelas. Samir m’a enseigné mine de rien, j’ai lâché ma recherche et j’ai repris mon chemin, différente.

Panachage fortuit des moyens de locomotion & routes
Cette semaine, j’ai marché un peu plus de 100 km. Je suis montée plusieurs fois en voiture : parce que j’ai été mal placé sur la route, le conducteur me voyant de près m’a proposé de monter, parce qu’au détour d’une conversation une personne apprend que je souhaite aller dans la direction qu’elle, parce qu’un ami de la personne que je rejoignais faisait un bout et l’enfin l’envie de m’aider à progresser dans mon long parcours. La voiture permet souvent les échanges et c’est pour moi l’opportunité d’en apprendre plus des autres. Cette semaine, j’ai actionné le mode autostop (je troque la jupe pour le pantalon, ramasse mes gourdes latérales zonnnnnnnnn (désolée, ça me fait penser à une voiture ou un super-héros qui change d’apparence) pour rejoindre ma cousine Véronique et son mari (ce qui n’était pas du tout prévu ou imaginable de ma part !)
Question choix de parcours, j’avais opté pour les GR uniquement histoire d’éviter le bitume, mais finalement, le kilométrage est trop important. J’ai perdu beaucoup de temps et d’énergie surtout les premiers jours à mixer les GR et les routes sans destination finale.

Je suis beaucoup plus heureux
En discutant le première soir dans le bateau, Yannick m’a partagé qu’il est bien plus heureux à vivre maintenant dans son bateau qu’auparavant dans son logement avec tout le confort moderne. Il me partageait cela tout en chauffant de l’eau à la bouilloire avec sa stature imposante qui l’oblige à quelques contorsions à chaque déplacement dans le bateau.

Ça te dit de venir à l’abbaye de Juye-Mondaye ?
C’est l’invitation de Jean-Luc et Anne qui avaient prévu de s’y rendre. L’ordre des prémontrés fêtait ce jour-là ses 900 ans, ses deux grandes missions sont l’apostolat et la liturgie. Ainsi, de Formigny, une petite ville dans les terres en dessous des plages du débarquement, je suis allée jusqu’à Bénerville, proche de Deauville, en dépassant les villes de Bayeux et Caen pour la fête des prémontrés, à Sixtine et Guillaume qui m’ont proposé de m’emmener car ils habitent le lieu où je voulais aller, à Thomas et Juline qui m’ont aidé à contacter ma cousine Véronique qui m’invite à la rejoindre plus loin sur la côte, à Guillaume un ami de ma cousine qui m’a récupérée le lendemain matin et enfin à Maxime le conducteur qui s’est arrêté au bout de 15 secondes d’attente pour le dernier bout me permettant de rejoindre Véronique et Thierry avec qui j’ai passé une agréable journée.

Générosité
Je me sens gâtée par toutes les attentions spontanées. J’ai le cœur qu’explose à chaque fois.
Je suis tout autant touchée par Brigitte qui m’a permis le 2ème jour de dormir au chaud tout en ayant très peur (covid, arnaque) que Marc et Monique qui n’ont pas pris le temps de réfléchir, leurs regards ont exprimé sans retenue leur élan du cœur.
Pour ceux qui me connaissent, je fais attention à ne plus faire entrer d’objets dans ma vie qui ne seront pas essentiels. Mais en voyage, pendant cette semaine, j’ai reçu spontanément un livre (Gladiateur des mers, sacré tour du monde d’Yvan Bourgnon), des masques, des yahourts, des fruits, des chips, du pain, du camembert, une pomme, du lait, un pansement. Je les porte ou les ai porté de bon cœur. Également, j’ai reçu des conseils. Alors que je marchais en parallèle d’une habitante d’un âge certain, elle semblait ravie ou soucieuse pour moi que je comprenne bien par où passer pour sortir de la ville au vu des répétitions.

Rien n’est fortuit
Dans l’Eure, je marchais en m’attristant de n’avoir pu échanger avec les gens du coin sur les chaumières et de devoir me renseigner sur Wikipédia. Peut-être étais-je perdue dans ses pensées-là quand Jacques s’arrêta à ma hauteur pour me dire qu’il ne m’avait pas vue sur le bord de la route. Il me proposa de m’emmener plus loin, me partagea avec passion sa connaissance des chaumières, des écrivains du coin, également les drames qu’il a vécu. Nous sommes allés voir voir plusieurs chaumières magnifiques.
Avec Samir, sur le bord de la route dont il venait de faire le revêtement, la conversation fut courte mais au plus proche de la dimension spirituelle de mon odyssée. Samir exprimait qu’on ne peut jamais chercher et trouver quelque chose ou quelqu’un qu’on ne connait absolument pas. Les événements s’enchaînent, s’interconnectent.

J’ai besoin que tu partes dehors 15 minutes
Chez Georges avec qui j’ai colocationné il y a quelques années, j’ai pu me reposer quelques jours, marcher, prendre le temps d’écrire ce récit. Il m’a même retiré une épine du pied, au sens littéral! Son habitat est petit mais son coeur grand. Je reviens à sa demande, qu’il m’a formulé tous les jours, aux alentours de 18h30. Il semblait désolé de me mettre à la porte. J’ai trouvé génial que quelqu’en soit la cause, il s’est senti libre d’exprimer ses besoins.

Conclusion de cette première semaine
Cette semaine et les quelques jours de repos m’ont permis de confronter l’idée de mon voyage avec le réel. J’ai souffert des pieds, mais je tiens à la simplicité, à l’intelligence du corps, à la possibilité de trouver des solutions. Je suis reconnaissante pour toutes les rencontres sur mon chemin. Cependant, il me faut aller au-delà de ma timidité et aussi d’être plus spontanée dans l’action (agir plutôt quitte à me tromper que de trépigner en attente d’une tâche que je pourrais faire). Au-delà de la réciprocité, recevoir génère en moi une joie et une envie de donner sans mesure ni démesure et sans bornes dans le temps. Comme un cercle vertueux qui s’emballe.
Je doute encore d’être à la hauteur de l’idée que je me fais de ce voyage, je vais essayer de rester dans le ici et maintenant tant que possible.

Publié dans: Jérusalem.
Dernière modification: juin 11, 2021

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